Le dernier templier
faucon. Puis, ses yeux écarquillés détaillant la sculpture, elle passa ses mains dessus comme pour une caresse. Son imagination la propulsa dans le passé, jusqu’à l’époque des Templiers, jusqu’à Aimard et ses hommes, jusqu’à leur ultime et fatal voyage à bord du Faucon-du-Temple.
Une mosaïque d’images envahit son esprit. Elle essaya de se remémorer les mots d’Aimard. Qu’avait-il dit exactement ? Le coffret avait été placé dans une cavité creusée à l’arrière de la tête du faucon. Le trou avait été comblé par de la résine, puis recouvert avec une pièce de bois s’ajustant parfaitement, calée par des chevilles. Et une autre couche de résine avait achevé de sceller l’ensemble.
Examinant l’arrière de la tête de faucon, elle discerna les marques indiquant l’endroit où la résine avait été appliquée, les bords de la plaque et les chevilles qui la maintenaient en place. Les sceaux avaient tous l’air intacts. Apparemment, l’eau n’avait pu s’introduire à l’intérieur de la cavité scellée par la substance visqueuse. D’après ce qu’elle pouvait voir, il était probable que ce qui avait été enfermé à l’intérieur, dans le coffret, était intact aussi.
Regardant autour d’elle, elle repéra deux galets et les utilisa comme marteau et burin pour dégager la cavité. Les premières couches de bois cédèrent facilement, mais le reste résista à ses outils de fortune. En faisant le tour de la plage, elle tomba sur un morceau d’acier rouillé dont elle employa le côté pointu pour gratter la résine. Travaillant fébrilement, avec un total mépris des questions de conservation auxquelles l’archéologue qu’elle était n’aurait pas manqué de veiller quelques semaines plus tôt, elle parvint à dégager le couvercle de bois et à attaquer la cavité. Elle pouvait maintenant voir le côté du coffret. Il était petit et ouvragé. Essuyant son front en sueur, elle réussit à gratter suffisamment de résine autour de l’objet et utilisa la barre pour le déloger. Enfin, elle put glisser ses doigts autour de la petite boîte et la sortit.
Son excitation était à son comble. Elle essaya de la contrôler, mais c’était impossible. C’était là, vraiment là, dans ses mains. Bien que le coffret fut abondamment orné d’incrustations d’argent, il était d’une légèreté étonnante. Elle le porta à l’abri d’un gros rocher afin de pouvoir l’examiner soigneusement. Le fermoir de métal n’avait pas de serrure, mais un anneau de fer forgé. Elle se servit d’un autre morceau de roche pour le marteler. Il finit par se séparer du bois. Alors elle fut en mesure de soulever le couvercle du coffret et regarda à l’intérieur.
Avec précaution, elle sortit son contenu. C’était un paquet enveloppé dans une peau d’animal huilée ressemblant à celle qu’Aimard avait utilisée pour protéger l’astrolabe. Elle défit les liens de cuir qui l’entouraient et, très lentement, déplia la peau. Bien protégé à l’intérieur se cachait un livre, un manuscrit ancien relié de cuir.
À l’instant où elle le vit, elle sut ce que c’était.
L’objet lui sembla inexplicablement familier. Son humble simplicité contredisait son prodigieux contenu. Avec des doigts tremblants, elle souleva légèrement la couverture et contempla l’écriture de la première page. La calligraphie était défraîchie, mais lisible. Et pour autant qu’elle pût le dire, le contenu du manuscrit n’avait subi aucun dommage. Avec une absolue certitude, elle sut qu’elle était la première personne à le voir, à voir le trésor mythique des Templiers, depuis qu’il avait été placé dans le coffret sept siècles plus tôt par Guillaume de Beaujeu et confié à Aimard de Villiers.
Sauf que ce n’était plus un mythe.
C’était réel.
Soigneusement, consciente que cette opération aurait dû s’effectuer en laboratoire — ou tout au moins pas en extérieur —, mais incapable de résister à l’envie irrépressible de s’offrir un examen plus attentif, Tess ouvrit le manuscrit un peu plus et souleva une feuille de parchemin. Elle reconnut la teinte brunâtre familière de l’encre utilisée à l’époque, faite d’un mélange de suie de charbon, de résine, de lie de vin et d’encre de seiche. L’écriture manuscrite était difficile à déchiffrer, mais elle reconnut quelques mots qui lui suffirent à comprendre qu’il s’agissait
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