Le dernier templier

visage : ses cheveux eux aussi avaient subitement blanchi. On raconte qu’il ne sourit plus jamais de sa vie après ce jour. Et des années plus tard, juste avant de mourir, il livra la vérité. Il apparut que le templier lui avait raconté son histoire et lui avait montré des papiers, une sorte de lettre, pour être plus précis. Ce qu’il aurait appris aurait littéralement fait sortir de lui toute vie, comme un choc violent, un traumatisme. Dès lors, je ne pus m’ôter cette histoire de la tête. Cette image des cheveux du moine qui blanchissaient, après quelques minutes avec un mourant, m’obsédait. A partir de cet instant, découvrir ce qu’était ce manuscrit, cette lettre, fut, ou devrais-je dire, devint...
    « Une obsession », pensa Tess.
    — ... une mission, en quelque sorte.
    Vance esquissa un sourire triste.
    — J’ignore combien d’archives poussiéreuses j’ai pu fouiller dans des musées, des églises et des monastères de toute la France, et même de l’autre côté des Pyrénées, dans le nord de l’Espagne.
    Il marqua une pause, puis tendit la main et effleura les papiers près de l’encodeur.
    — Et un jour, continua-t-il, j’ai trouvé quelque chose. Dans un château templier.
    Un château avec une inscription au-dessus du portail. Tess repensa aux mots latins qu’elle l’avait entendu prononcer et à la citation latine qui, d’après ce que lui avait dit Clive, était gravée sur le linteau du château de Blanchefort.
    — Vous avez découvert le manuscrit ?
    Puis un éclair de lucidité traversa son esprit.
    — Mais il était codé, n’est-ce pas ? C’est pour cela que vous aviez besoin de l’encodeur.
    — Oui. C’était si frustrant ! Pendant des années, j’ai su que j’étais tombé sur quelque chose d’important. Je savais que j’avais trouvé les bons papiers, mais je ne pouvais pas les lire. J’ai tout essayé. Or de simples codes de substitution ou d’omission ne fonctionnaient pas. Et puis j’ai découvert que les Templiers étaient beaucoup plus malins. J’ai notamment déniché des références mystérieuses concernant leurs appareils de cryptage. Seulement je ne parvenais pas à localiser la moindre de ces machines. Cette quête semblait sans espoir. Tous leurs biens avaient été détruits quand ils avaient été menacés en 1307. Et alors, le destin est intervenu et a exhumé ce petit joyau des entrailles du Vatican, où il dormait depuis toutes ces années, caché et oublié depuis bien longtemps.
    — Et maintenant, vous pouvez les lire.
    Il tapota les feuilles.
    — Comme le journal du matin.
    Tess fixa les documents, en proie à une folle exaltation. Brusquement, elle se fustigea de se laisser aller ainsi : elle ne devait pas oublier que des gens avaient perdu la vie ni que cet homme était dérangé et, au regard des événements récents, dangereux. Certes, ce sur quoi il travaillait représentait une immense découverte, beaucoup plus grande que tout ce qu’elle avait eu l’occasion d’exhumer. Mais elle était souillée par le sang d’innocents. Il y avait aussi quelque chose de ténébreux autour de cet appareil, quelque chose de dérangeant à propos de cette histoire.
    — Qu’espérez-vous ? questionna-t-elle.
    — Quelque chose qui a été perdu depuis trop longtemps. Quelque chose qui va remettre le monde en ordre.
    Une chose qui mérite qu’on tue pour elle ? voulut-elle ajouter, mais elle préféra s’abstenir. En revanche, elle se rappela ce qu’elle avait lu concernant l’hypothèse avancée par Vance : le fondateur des Templiers aurait pu être cathare. Il venait de lui expliquer qu’il avait trouvé la lettre dans le Languedoc — région dont aurait été originaire la famille d’Hugues de Payens, selon lui, au grand dam de l’historien français dont elle avait lu l’article. Elle voulait en savoir davantage. Mais avant d’avoir pu poser sa question, elle entendit un bruit fracassant, en haut, comme le son d’une brique s’écrasant sur un pavement de pierre.
    — Restez ici, ordonna Vance.
    Les yeux fixés sur le plafond, Tess tentait d’identifier la source du bruit.
    — Qu’est-ce que c’est ?
    — Restez ici, insista-t-il.
    Il passa derrière la table et récupéra le taser qu’il avait utilisé contre elle. Puis il hésita une seconde et le reposa. Fouillant dans un sac, il en sortit un autre pistolet, une arme traditionnelle cette fois, et, fébrilement, il fit monter une