Le dernier vol du faucon
et son escorte l'attendait de l'autre côté des portes du Palais. Si Bira alertait ses hommes, il serait arrêté sur-le-champ et jeté au fond d'un cachot du donjon en attendant le bon plaisir du roi. Dieu merci, la stricte étiquette royale avait empêché le soldat d'agir. Il avait donc une longueur d'avance.
Deux des esclaves s'étaient couchés en travers du seuil pour l'empêcher de passer. Il les écarta rudement et les piétina sans se soucier de leurs gémissements de douleur. Comme il pénétrait dans le couloir, il entendit la voix du capitaine de la garde s'élever dans la chambre royale: «Auguste et Puissant Seigneur, je reçois vos ordres. C'est moi, Bira, votre indigne esclave... »
Une nouvelle fois, Petraja se félicita d'avoir pu pro-fiter de l'inflexible rituel royal. Il retrouva avec soulagement la lumière de la première cour intérieure. Mais il lui fallait encore en traverser cinq autres avant d'atteindre l'entrée principale. De combien de temps disposait-il avant que le capitaine ne lui donne la chasse? Petraja comptait sur la lenteur d'expression du roi et les fréquentes pauses qui lui étaient nécessaires pour retrouver son souffle. A son passage, les esclaves se prosternaient en le reconnaissant mais quand ils touchaient le sol de leur front, il était déjà loin.
En arrivant dans la cour, il s'était mis à courir, repoussant ceux qui gênaient son passage et criant qu'il allait chercher un médecin pour le Seigneur de la Vie. Tout le monde le connaissait et personne ne mit en doute ses déclarations, même s'il était inconvenant de courir dans l'enceinte du Palais.
Il avait déjà traversé la troisième cour et entrait dans la quatrième quand il aperçut Vichaiyen venant à sa rencontre. Il jura tout bas. Le Barcalon marchait rapidement en compagnie du prêtre farang et de deux gardes du Palais. Vichaiyen le repéra à son tour et fit halte pour échanger quelques mots avec le prêtre. Les pensées de Petraja étaient en ébullition tandis qu'il cherchait désespérément un moyen de se sortir de cette dangereuse situation. La cour était assez vaste pour qu'il puisse éviter les deux hommes et leurs gardes, mais cela paraîtrait suspect. Sa seule chance était de bluffer.
Il courut droit sur le prêtre farang et s'arrêta devant lui, haletant. « Enfin ! vous voilà, docteur! j'allais à votre recherche. Le Seigneur de la Vie souffre de convulsions terribles. Hâtez-vous ! » Du coin de l'œil, il vit que Vichaiyen regardait derrière lui à la recherche d'éventuels poursuivants. Dieu merci, le capitaine de la garde n'était pas encore là.
Vichaiyen ne semblait nullement convaincu. « Dans ce cas, allons-y ensemble, Général.
- Je vous rejoindrai plus tard, Excellence. Le Sei-gneur de la Vie m'a demandé de lui amener son médecin siamois. Je dois exécuter ses ordres. »
Petraja s'éloigna sans attendre la réponse. Il comprit que Vichaiyen hésitait avant de se mettre en route mais n'osa pas se retourner. En achevant la traversée de la cinquième cour, il entendit des cris retentir derrière lui. Sans doute Bira était-il enfin parvenu à quitter la chambre royale. Ce n'était pas le moment de traîner.
Les grandes portes ouvrant sur l'extérieur se dressaient à présent devant lui. Les cris se rapprochaient. «Arrêtez-le! Arrêtez-le!» Alertés, les gardes du portail se préparèrent à l'intercepter. Mais Petraja se dirigea droit sur eux.
«Dépêchez-vous! lança-t-il, haletant. Il est dans la cinquième cour!» Il fit un geste pour désigner un point derrière lui. « Il était trop rapide pour moi, je n'ai pas pu l'arrêter.»
En reconnaissant Petraja, les gardes ne mirent pas sa parole en doute et se précipitèrent à l'intérieur de l'enceinte. Aussitôt, le général en profita pour se glisser tranquillement par la porte.
Ses gardes du corps l'attendaient, tandis que des hurlements de colère s'élevaient de l'autre côté des murailles.
«Vite, partons!» ordonna Petraja à ses hommes.
Ils firent cercle autour de lui et la petite troupe s'éloigna en courant.
21
Le seigneur Sorasak, honorable gouverneur de Pit-sanuloke, la province située le plus au nord du royaume, allongea ses jambes musclées et croisa ses puissantes mains derrière son cou pour contempler le paysage qui défilait. De la barque, la vue sur cha-
cune des deux rives était idyllique, surtout dans la douce lumière de cette fin d'après-midi.
Il s'autorisa un long moment de
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