Le dernier vol du faucon
votre mort, Constant, alors Mark et moi hériterons de tout. Dans le cas contraire, nous n'aurons rien. Jack nous a laissé juste assez d'argent pour entreprendre ce voyage afin de vous retrouver. Le reste est sous tutelle. »
Phaulkon demeura stupéfait. «Mais quelle sorte d'homme était-ce donc? Et pourquoi voulait-il ma mort ? »
Nellie resta un long moment silencieuse.
« Parce que, tout au long de notre mariage, il a su que vous étiez le seul que j'aimais. Cela l'a rongé. Il a dû penser que, s'il me laissait sa fortune, je chercherais à vous retrouver pour vous offrir... de partager cette fortune avec moi. A moins qu'il n'ait cru que j'essaierais d'acheter vos bonnes grâces avec tout cet argent... » Elle eut un pâle sourire. « Il ne pouvait pas savoir que vous étiez devenu l'un des potentats les plus riches d'Asie.
- Ainsi, vous étiez prête à me tuer pour assurer votre héritage?» lança-t-il d'une voix tranchante.
«Pour l'avenir de Mark, bien plus que pour moi. Voyez-vous, je sais ce que cela signifie que de vivre dans la misère. »
Phaulkon ne se laissa pas impressionner. «J'ai peut-être été un jeune flibustier inconséquent, mais votre mari n'était rien d'autre qu'un meurtrier par procuration.
- C'était un homme brutal, Constant, et sa brutalité se nourrissait de ce que vous m'aviez fait subir, de ce charme que vous aviez jeté sur moi et qui m'ensorcelait à jamais.
- Pensiez-vous sérieusement pouvoir m assassiner et repartir tranquillement après un acte pareil ? Ici, au Siam ?
- Peut-être pas moi, mais j'aurais fait en sorte que Mark puisse s'en tirer.
- Ainsi, je ne dois même plus vous tourner le dos de crainte de recevoir un coup de couteau? C'est bien cela ? »
Elle sourit. «Vous n'avez plus rien à craindre de moi, Constant. Mais je voulais que vous connaissiez la vérité. Et que vous sachiez aussi qu'à présent je dépends totalement de vous.
- Mark est mon fils et vous êtes sa mère. Aussi longtemps que je garderai le pouvoir au Siam, vous ne manquerez de rien. »
Nellie le considéra pour la première fois d'un œil plus bienveillant. «Je l'espère. Votre charmante concubine me considère même comme votre première épouse. Il y a donc au moins quelqu'un, ici, qui croit que vous seriez revenu m'épouser. »
Il garda le silence.
«Et qu'en est-il de Maria? Est-elle aussi votre première épouse ? Quelle est réellement sa place ? »
Le visage de Phaulkon s'assombrit. «Je crains que ce ne soit pour elle un sujet permanent de ressentiment.
- Les choses sont vraiment faciles pour les hommes au Siam. Quand vous êtes fatigués de votre première épouse, vous vous en procurez une autre...
- Je n'ai jamais été fatigué de vous, Nellie. Ce sont les circonstances qui nous ont séparés.
- Moi non plus, je n'ai jamais été fatiguée de vous, Constant. Mais vous m'avez appris à haïr.
- Bien malgré moi, Nellie. Et j'en suis profondément navré. Mais, pour ma part, je ne pourrai jamais vous haïr.» Son visage s'éclaira d'un brusque sourire. «A moins, bien sûr, que vous ne parveniez à me tuer, auquel cas il serait trop tard, de toute façon, pour éprouver quoi que ce soit.
- Vous avez toujours eu la riposte aisée, Constant. » Elle le contempla avec une étrange expression. « Décidément, je me montrerai toujours faible avec vous. J'étais venue pour vous éliminer et voilà, maintenant, que je vous aide à survivre.
- J'ai besoin de votre aide, Nellie.»
Il vit qu elle le regardait curieusement avec, dans les yeux, une lueur nouvelle. S'il ne l'avait sue aussi agressive, il aurait pu croire que c'était une lueur d'affection. L'orage était-il passé? Il l'espérait sincèrement.
«Nellie... », dit-il doucement sur un ton qu'il aurait pu employer dix-sept ans plus tôt.
Elle parut déconcertée et ses yeux s'adoucirent encore. «Oui, Constant?
- Sommes-nous amis à présent? Mark a besoin de nous deux, vous savez.
- Oui, je le sais. Et j'aime la manière dont vous vous comportez avec lui.
- Alors, venez... et embrassons-nous.» Il lui tendit les bras.
Elle hésita un long moment. Puis elle se glissa entre ses bras, prenant garde à ne pas toucher son corps. Il referma ses bras sur elle pour la serrer contre lui. Elle se raidit lorsqu'il posa sa joue contre
son cou. Mais il était bien plus fort qu'elle. Peu à peu, elle se détendit et sentit tout à coup un frisson la secouer. Elle s'écarta alors, effrayée à
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