Le dernier vol du faucon
commença-t-elle.
- Sa mort est en effet un coup dur pour moi. Je viens de perdre ma dernière chance de prouver mon innocence, observa-t-il amèrement. Mon sort repose toujours entre vos mains, semble-t-il.
- Je ne suis pas venue marchander avec vous, Constant. Mais je voudrais vous poser quelques questions. »
Elle vit qu'il ne semblait pas particulièrement heureux de cette initiative. «Nous verrons si je peux y répondre», dit-il d'un ton contraint.
Elle le regarda avec plus d'amitié qu'elle ne l'avait fait jusqu'ici.
«Je vous suis reconnaissante de ce que vous faites pour Mark, reprit-elle doucement. Il est heureux ici. » Elle marqua une pause. «Et je sais qu'il s'attache de plus en plus à vous.
- C'est absolument réciproque.
- Que se passera-t-il s'il désire rester? Je veux dire pour une longue période ? »
Phaulkon la regarda. «Il s'agit de mon fils, Nellie. Sans le vouloir, je l'avais rejeté de ma vie. Je ne commettrai pas une seconde fois la même erreur. Il peut rester ici aussi longtemps qu'il le désire.
- Mais qu'en pensera votre femme?»
Il haussa les épaules. « Maria ? Il faudra bien qu'elle l'accepte. »
Ce n'était pas suffisant pour Nellie. «Et si elle refuse ?»
Il s'agita sur sa chaise. «Espérons que nous n'en arriverons pas là.
- Naturellement.» Nellie l'observa un instant en silence. Au bout d'un long moment, elle demanda: «Envisagez-vous de passer le reste de votre vie au Siam ?
- Je suis siamois, Nellie. Je suis chez moi ici.»
Elle sourit, un sourire distant qui sembla la ramener dans le passé. «Vous avez toujours voulu être différent. Et conquérir le monde...» Elle lui jeta ur regard étrange, partagée entre le ressentiment el l'admiration. « Et il semble que vous y soyez parvenu
- L'histoire nous enseigne qu'il est plus difficile de garder le pouvoir que de le conquérir, observa-t-i sombrement. En fait, j'ai envisagé la possibilité que Mark reste ici et travaille pour moi. Il apprend vite Mais une grave menace plane au-dessus de nous.
- Laquelle?»
Il la regarda bien en face. «Pour que Mark puisse bénéficier de ma position au Siam, il faudrait que j< garde le pouvoir. Et, pour 1 instant, les perspectives dans ce sens ne sont pas très favorables.» Il souri, tristement. « Ceux qui pourraient m'aider ne semblen pas désireux de le faire. »
Elle fut immédiatement sur la défensive. «Vous avez toujours été bon orateur, Constant. J'ai pourtan: mes raisons pour demeurer prudente à votre égard.
- Ce ne sont pas des paroles, Nellie. Ce sont des faits.
- Très bien, dit-elle d'un ton las. Je suis en possession d'une lettre attestant officiellement que Somchai travaillait pour le compte du général Petraja. Cette lettre a été trouvée sur le bateau, cousue dans un bout de tissu arraché au panung de Somchai pendant 11 lutte. Mark l'a fait traduire morceau par morceau, chacun des traducteurs n'ayant connaissance que d'une seule phrase. » Sur ces mots, elle s'approcha du bureau pour y déposer la lettre.
Il la prit aussitôt pour la parcourir rapidement. Ses yeux s'élargirent. «Pourquoi ne me lavez-vous pas remise plus tôt? Aviez-vous l'intention de me faire chanter, Mark et vous?»
Elle vit sa colère monter et ses mains tremble] - , crispées sur la lettre.
«Mark était furieux contre moi quand je lui ai dit que je ne vous l'avais pas encore montrée, expliqua-t-elle. Si j'ai hésité, c'est parce que la vie m'a appris combien il est imprudent de perdre le contrôle d'une situation. Je vais vous faire confiance pour la seconde et la dernière fois de ma vie, Constant. »
Il s'apaisa. «Saisissez-vous qu'avec ce document je pourrais déjà compter sur le soutien du général Desfarges? Votre conduite est impardonnable.
- Tout autant que la vôtre envers moi.
- C'est déjà du passé, rétorqua-t-il avec irritation. Souhaitez-vous réellement ma chute?»
Elle plongea son regard dans le sien. «Je l'ai souhaitée, en effet. Mais c'était avant d'arriver ici...» Elle demeura silencieuse, perdue dans ses pensées. « Le moment est venu de vous parler du testament de Jack Tucker», reprit-elle enfin.
Phaulkon attendit, visiblement impatienté. « Eh bien ?
- Jack était un homme fortuné. Selon certaines conditions, ses biens doivent revenir à Mark et à moi. Sinon, c'est l'Église qui en bénéficiera. Tout dépend de moi.
- Et quelles sont ces conditions?
- Si je peux apporter à son notaire la preuve de
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