Le dernier vol du faucon
pour épouse, Pra Piya serait trop faible pour prétendre au trône. »
Le prince sourit, manifestement ravi. «On dirait que nos amis farangs n'ont pas perdu de temps pour tâter le terrain par eux-mêmes. Une délégation mandée par l'évêque de France attend justement d'être reçue. » Il sourit à nouveau. « Leur arrivée opportune me donnera l'occasion d'exprimer mon intérêt grandissant pour les enseignements d'une Église qui a engendré des esprits aussi brillants. »
Le prince réfléchit un instant. «Je vous prie d'informer mon royal frère que je suis profondément touché de sa grande bonté, ajouta-t-il. Dites-lui que j'encouragerai le peuple d'Ayuthia à soutenir le successeur légitime.
- Votre Altesse Royale, le Seigneur de la Vie demande que vous regagniez Louvo avec moi. Sa Majesté désire discuter elle-même avec vous des affaires concernant sa succession. Il m'a confié à votre intention un sauf-conduit vous autorisant à quitter le Palais. »
Les yeux du prince brillèrent tandis qu'il voyait le terme de son long exil. Enfin! Très excité, il répondit:
«Noble Dame, je vous suggère d'aller m'attendre dans l'antichambre. Je vais d'abord recevoir cette délégation de saints hommes français pour semer les grains de ma future conversion. Levez-vous maintenant et prenez ce rubis. J'aimerais vous l'offrir s'il m'appartenait car vous l'avez bien mérité.»
Sunida prit le rubis et leva gracieusement les bras pour l'enfoncer dans son épaisse chevelure. Elle entendit le prince soupirer.
«Avec votre permission, Altesse, je souhaiterais plutôt me promener dans les jardins. Je reviendrai un peu plus tard quand vous serez prêt pour le voyage.
- Bien sûr, charmante amie, nous nous retrouverons ici dans quelques instants. »
Sunida rampa à reculons avec déférence et fut raccompagnée à travers la cour jusqu'à une petite porte ouvrant sur le Palais principal. Elle rencontra là le visage familier d'un vieux garde qui ne fut que trop heureux de la laisser flâner à son gré dans les jardins.
S'attardant à l'entrée du Palais intérieur où elle avait autrefois résidé, Sunida écouta chanter l'eau des fontaines, songeant à l'homme qu'elle aimait. Quels heureux jours ils avaient coulés ensemble ! Combien de fois n'avait-il pas franchi cette même porte pour
savourer avec elle des instants d'amour parfait. Il y avait longtemps qu'elle avait quitté ces lieux et elle espérait les retrouver lorsque le jeune prince monterait sur le trône. Elle se promit de lui révéler qui elle était pendant le voyage vers Louvo et de l'assurer de la loyauté de son maître, Phaulkon. Si Chao Fa Noi accédait au pouvoir, il aurait besoin près de lui d'un Barcalon expérimenté, et qui l'était davantage que son bien-aimé Seigneur? Elle plaiderait sa cause, même s'il lui fallait sourire un peu trop à ce prince lascif.
Elle resta encore quelques instants à rêver d'autrefois. Puis elle adressa un sourire reconnaissant au garde et pénétra dans l'allée aux buissons sculptés qui faisait le tour des jardins.
Elle allait en ressortir à l'autre extrémité quand elle entendit des cris derrière elle. Elle se retourna et vit des gardes courir dans sa direction.
« Arrêtez ! Restez où vous êtes ! »
Elle regarda les alentours pour voir à qui s'adressaient ces appels mais il n'y avait personne en dehors d'elle. D'autres gardes vinrent se joindre aux premiers et tous coururent de plus belle. Les premiers arrivés la dépassèrent puis se retournèrent pour lui bloquer le passage. En un instant, elle fut cernée. Deux hommes s'avancèrent, leur arme pointée sur sa poitrine.
Le cœur de Sunida battait à tout rompre. Il devait y avoir une erreur. Était-ce au rubis qu'ils en voulaient? Ils ne savaient peut-être pas qu'il appartenait au Seigneur de la Vie.
Un garde de la maison du prince s'approcha, un grand aigle tatoué sur son avant-bras. Ses yeux sombres étaient furieux et il semblait hors d'haleine.
«Venez avec nous!» ordonna-t-il.
Sunida regarda autour d'elle, désarmée. «Que se passe-t-il ? »
Les yeux noirs du garde jetèrent un éclair. «Vous êtes en état d'arrestation. Vous devez nous accompagner pour être interrogée. »
Elle se sentit défaillir. « Pourquoi donc ? demanda-t-elle calmement. Tout le monde ici me connaît. Demandez à n'importe quel garde du Palais.» Elle fit un geste en direction de l'ami qui l'avait escortée dans les jardins. Mais il
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