Le dernier vol du faucon
Deux de mes hommes vont vous aider à monter pendant que nous vous couvrons. C'est maintenant ou jamais. »
Phaulkon hocha la tête.
Joao cria un ordre à Jorge, son second, et tout se déchaîna. Couverts par leurs compagnons, deux des hommes de Jorge se précipitèrent sur Phaulkon qui avait repris place sur la civière tandis qu'une douzaine d'autres leur ouvraient un passage en direction des marches menant au sommet des remparts. Les dix hommes restants se serrèrent autour de Joao et visèrent les assaillants. Au même instant, Petraja donna l'ordre de charger et les Siamois formant un groupe compact se ruèrent en avant, les uns en direction des marches, les autres vers Joao.
Sous les coups répétés des mousquets, nombre d'entre eux tombèrent, mais pas assez pour ralentir vraiment l'assaut. Les mercenaires tentèrent désespérément de recharger mais la foule était déjà sur eux et un combat sans merci s'engagea au corps à corps. Joao courut vers les marches, préoccupé avant tout de son maître. Pendant ce temps, les hommes de Jorge atteignaient le sommet des remparts d'où ils se retournèrent pour viser la foule. Plusieurs explosions retentirent et quelques Siamois qui se trouvaient en bas des marches s'écroulèrent. Ceux qui se pressaient derrière eux hésitèrent. Joao les traversa comme une flèche, piétinant les coips inanimés sur le sol, et bondit sur les marches avant qu'on ne puisse l'arrêter.
Un cri monta des remparts.
« Vasco ! Viva Vasco ! »
Parvenu au sommet, Joao regarda de l'autre côté du mur. Les gardes de Phaulkon étaient massés au-dessous, déployant une grande couverture de laine. Un peu plus loin, Joop et ses hommes tenaient en respect une foule de plus en plus agitée. Sous la conduite de Vasco, une douzaine de gardes s'approchèrent de la muraille et tendirent fermement la couverture déployée à hauteur d'épaules. A neuf mètres au-dessus du sol, Joao souleva Phaulkon de sa civière et, le portant à bout de bras, se redressa sur la crête des massives murailles.
Une flèche l'atteignit soudain dans le dos et il bascula en avant, tenant toujours Phaulkon dans ses bras. Les deux hommes tombèrent dans le vide en s'écartant l'un de l'autre. Les recevoir tous deux dans la couverture était impossible. Les gardes se précipitèrent en direction de leur maître et le corps de celui qui venait de lui sauver la vie s'écrasa sur le sol à côté d'eux avec un bruit sourd.
De l'autre côté de la muraille, le massacre avait commencé. Submergés, les hommes de Joao furent taillés en pièces et il n'en resta bientôt plus qu'une demi-douzaine qui, réfugiés au sommet des remparts, repoussaient de leur mieux leurs attaquants.
Quatre d'entre eux, seulement, réussirent à sauter et à arriver sains et saufs. Un cinquième sauta trop vite et tomba à côté de la couverture. Des dizaines de Siamois avaient été tués ou gravement blessés.
Les gardes de Phaulkon avaient saisi entre-temps le corps de leur maître et l'emportaient à la hâte vers sa maison tandis que Joop et la poignée de mercenaires encore en vie, couraient, éplorés, à côté de la dépouille de Joao portée par Vasco et l'un de ses camarades.
35
À l'aube, le guetteur du fort de Bangkok reposa sa longue-vue et courut chez son supérieur. Le général, qui se préparait à partir pour Louvo, confirma son rapport quelques instants plus tard.
Une flottille de barques siamoises s'approchait des quais. D'après l'aspect de la barque principale, une splendide embarcation dorée dont la proue était ornée d'un majestueux garuda, il était évident qu'il ne s'agissait pas d'un convoi ordinaire. L'équipage se composait de dizaines de rameurs vêtus de tuniques rouges et d'un bonnet assorti. Au son d'une éclatante fanfare, la barque d'apparat accosta et une nuée d'esclaves débarquèrent pour venir se prosterner le long du quai. A les voir, on aurait pu croire qu'ils honoraient un dignitaire de haut rang.
Intrigués, le général et plusieurs de ses officiers s'étaient regroupés près du quai. A leur grande surprise, ils découvrirent que ces marques de respect s'adressaient à... une lettre. Des tambours et des conques retentirent tandis que, dans une chaise à porteurs, un majordome en livrée s'avançait, l'air céré-monieux, pour remettre officiellement au général le message placé dans un coffret doré au bout d'un long manche.
La lettre était écrite en siamois en lettres d'or. Le
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