Le discours d’un roi
J’espère que vous me considérerez toujours comme votre meilleur ami et me direz toujours tout et je serai toujours disposé à vous aider et à vous être de bon conseil 25 . »
En sa qualité de président de la Boy’s Welfare Society, qui devint ensuite l’Industrial Welfare Society III , le duc, comme nous l’appellerons dorénavant, commença à visiter des mines de charbon, des usines et des gares de triage, ce qui lui valut le surnom de « prince du travail ». À partir de juillet 1921, il lança également une expérience sociale intéressante : une série de camps d’été, organisés au départ sur un aérodrome désaffecté à New Romney, sur la côte du Kent, puis à Southwold Common, dans le Suffolk, et censés rassembler des jeunes gens issus de milieux sociaux différents. Le dernier eut lieu à la veille de la guerre, en 1939.
Le duc progressa encore dans l’estime de son père après son mariage, le 26 avril 1923, avec Elizabeth Bowes Lyon, beauté très en vue de la haute société. Bien que sa jeune épouse eût mené une vie encore plus protégée que la sienne, c’était une roturière, tout en étant fille d’un lord. Le roi qui, conformément au Royal Marriage Act de 1772, devait donner son consentement, n’hésita pas un instant. La société avait changé, et il était désormais envisageable que ses enfants se marient avec des roturiers – pourvu que ceux-ci soient issus des trois rangs les plus élevés de la noblesse britannique.
Bertie et Elizabeth s’étaient rencontrés lors d’un bal au début de l’été 1920. Fille du comte et de la comtesse de Strathmore, Elizabeth avait vingt ans et venait d’entrer dans la société londonienne, où elle remportait un franc succès. Un grand nombre de jeunes gens la courtisaient, mais elle n’était apparemment pas pressée de leur donner une réponse – en particulier au duc. Elle ne tenait pas particulièrement à faire partie de la famille royale, avec toutes les contraintes que cela supposait. De surcroît, le duc n’avait pas l’air d’être un si bon parti que cela : s’il était aimable, charmant et plutôt bel homme, il était timide et ne savait pas s’exprimer, du fait, entre autres, de son bégaiement.
Le duc tomba amoureux, mais ses premières tentatives pour lui faire la cour se soldèrent par un échec : le problème était notamment qu’il ne pouvait pas demander une femme en mariage puisque, en tant que fils du roi, il ne fallait pas qu’il fût éconduit, comme il le confia en juillet 1922 à J. C. C. Davidson, un jeune politicien conservateur. Pour cette raison, il avait donc envoyé à Elizabeth un émissaire qui, en son nom, devait lui demander sa main – et la réponse avait été négative.
Davidson lui donna un conseil très simple : une jeune femme aussi énergique n’accepterait jamais une demande en mariage transmise par un tiers. Par conséquent, si le duc était si amoureux qu’il le prétendait, alors, il devait lui faire sa demande en personne. Le 16 janvier 1923, les journaux ne parlaient plus que de leurs fiançailles. Trente ans plus tard, devenue veuve, celle que l’on appelait désormais la reine mère écrivit à Davidson pour « vous remercier du conseil que vous avez donné au roi en 1922 26 ».
Leur mariage eut lieu le 26 avril 1923 à l’abbaye de Westminster – qui fut ainsi pour la première fois le théâtre des noces d’un fils du roi – et fut l’occasion de grandes réjouissances. La jeune mariée portait une robe de mousseline couleur crème, une longue traîne en résille de soie et un voile en dentelle de Flandres, l’une et l’autre lui ayant été prêtés par la reine Mary. Le duc avait revêtu son uniforme de la Royal Air Force. L’abbaye comptait 1 780 places. Comme le Morning Post le rapporta le lendemain, il y avait là une « importante et brillante congrégation qui incluait nombre des plus grandes personnalités de la nation et de l’Empire ». « Vous avez vraiment de la chance, écrivit le roi à son fils. Vous me manquez… Vous avez toujours été si raisonnable, d’un commerce si agréable (très différent de ce cher David)… Je suis tout à fait sûr qu’Elizabeth sera une magnifique partenaire dans votre travail. »
Pourtant, en dépit de toute cette joie, personne n’oubliait que les noces du duc n’étaient qu’une sorte de répétition de l’événement que constituerait le mariage de son frère quand
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