Le discours d’un roi
adapté. Le lieutenant de vaisseau Henry Spencer-Cooper, qui commandait sa promotion, l’encouragea en outre à choisir des sports pour lesquels il était plus doué, comme l’équitation, le tennis et le cross-country.
Après deux ans passés à Dartmouth, en janvier, il embarqua pour ce qui constitua l’étape suivante de sa formation : une croisière d’entraînement de six mois à bord du croiseur Cumberland. Au cours du voyage jusqu’aux Antilles et au Canada, Bertie fit l’expérience de l’adulation qui entourait inévitablement un membre de la famille royale. Il fut si souvent contraint d’apparaître en public qu’il persuada un camarade de lui servir de « doublure » lors d’événements de moindre importance. Il fut aussi confronté pour la première fois à la nécessité de faire des discours, ce qui serait une torture pour lui tout au long de sa vie. Un discours qu’il avait préparé et qu’il dut lire pour l’inauguration du Kingston Yacht Club en Jamaïque se révéla particulièrement pénible.
Le 15 septembre 1913, à l’âge de dix-sept ans, Bertie, devenu aspirant, fut affecté sur le HMS Collingwood, un cuirassé de 19 250 tonnes, premier pas de sa carrière d’officier de marine qui, pensait-il, comme son père l’avait fait avant lui, occuperait ses prochaines années. Sans doute pour des raisons de sécurité, il était connu sous le nom de Johnson.
Mais il y avait une grande différence entre le père et le fils. Si le futur George V adorait la marine et la mer, son fils vénérait la Navy en tant qu’institution, mais il n’aimait guère la mer elle-même – en fait, il était particulièrement sensible au mal de mer. Et il était toujours victime de sa timidité, ce que plusieurs de ses camarades officiers confirmèrent. L’un d’entre eux, le lieutenant de vaisseau F. J. Lambert, décrivit le prince comme un « petit jeune homme rougissant et bégayant », ajoutant que, « quand il s’est présenté, il a bafouillé une sorte d’exclamation. Je n’avais aucune idée de qui il était, et ai manqué de le maudire pour m’avoir postillonné dessus ». Un autre, l’enseigne de vaisseau Hamilton, écrivit au sujet de son subordonné : « Johnson est certes plein de sève et de joie de vivre, mais je ne parviens pas à lui tirer un mot 23 . » Au carré des officiers, tout toast en l’honneur du roi (« To the King ») était une torture à cause de sa peur du son « k ».
Mais d’autres défis infiniment plus graves l’attendaient. Le 3 août 1914, le Royaume-Uni déclara la guerre à l’Allemagne, à la suite de la « réponse insatisfaisante » de Berlin à l’ultimatum de Londres quant au respect de la neutralité de la Belgique. Le 29 juillet, le Collingwood, avec d’autres unités des escadres de batailles, quitta Portland et rallia Scapa Flow, dans les Orcades, à la pointe nord de l’Écosse, avec pour mission d’interdire aux Allemands l’entrée nord de la mer du Nord.
Parti avec son bâtiment, au bout de trois semaines, Bertie fut victime de graves ennuis de santé qui, plus tard, finiraient par compromettre sa carrière dans la marine. Il souffrait de violentes douleurs d’estomac et respirait avec peine. On lui diagnostiqua une appendicite. Le 9 septembre, l’organe incriminé fut retiré dans un hôpital d’Aberdeen.
À demi invalide à dix-neuf ans, alors que ses contemporains se battaient et mouraient pour son pays, Bertie rejoignit l’état-major de l’Amirauté. Mais il y trouva le travail ennuyeux et, sur son insistance, il obtint de revenir sur le Collingwood en février de l’année suivante. Il ne s’y trouvait que depuis quelques mois quand son estomac le refit souffrir. Cette fois, c’était un ulcère, mais les médecins ne surent pas le diagnostiquer, estimant plutôt qu’il était atteint d’un « affaiblissement de la paroi musculaire de l’estomac et une condition catarrheuse consécutive ». On lui prescrivit du repos, un régime sérieux et des lavements nocturnes, ce qui n’eut évidemment pas grand effet.
Bertie passa le reste de l’année à terre, d’abord à Abergeldie, puis à Sandringham, seul avec son père, et les deux hommes se rapprochèrent. Durant cette période, Bertie apprit beaucoup sur le métier de souverain en temps de guerre – une expérience dont il tirerait parti quand il se trouverait dans la même situation vingt ans plus tard.
À la mi-mai 1916, il
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