Le Druidisme
procure l’ivresse,
c’est-à-dire la transe grâce à laquelle on peut dépasser le réel apparent et
appréhender le surnaturel. En effet, ce jour-là, la communauté des vivants et
la communauté des morts se rencontrent. Les sidh ,
c’est-à-dire les Tertres où vivent les dieux et les héros, sont ouverts. Les
deux mondes s’interpénètrent. La Toussaint chrétienne, qui est l’héritière de Samain , a conservé cet aspect de « communion
des saints », et, dans les pays anglo-saxons, les réjouissances plus ou
moins païennes de Halloween sont la suite des
festins et mascarades de la fête celtique.
Ces festins étaient évidemment réservés à la classe dirigeante.
Le roi et les guerriers y constituaient l’essentiel, mais on voit mal que les
druides en aient été exclus. Le commun du peuple se contentait de la foire,
avec tout ce que cela comportait à la fois de transactions diverses et
d’amusements. Les juristes s’assemblaient également pour mettre au point tout
ce qui concernait les rapports entre les individus et la collectivité. En
quelque sorte, ils constituaient un véritable Parlement où étaient débattues
les affaires de droit et de politique.
Le rituel est mal connu. Cependant, on sait que la veille,
tous les feux d’Irlande devaient être éteints. C’est évidemment le signe que
l’année meurt. Elle renaîtra au moment où les druides auront allumé un nouveau
feu. Tout cela a été transféré, par les chrétiens, du 1 er novembre
à Pâques. Mais c’est toujours à Samain que
sont censés se dérouler les grands événements mythiques, batailles, expéditions
dans l’Autre-Monde, conflits avec les Tuatha Dé Danann, morts rituelles du roi,
morts violentes d’un héros ayant transgressé un grave interdit. C’est aussi à Samain que le Mac Oc est conçu et qu’il naît, dans
un « temps rétréci » qui équivaut à l’éternité. En effet, si Samain est le point de rencontre entre le monde
divin et le monde humain, c’est que le temps normal est aboli, ou suspendu. Il
s’agit d’une zone temporelle neutralisée : quand le Mac Oc s’empare du domaine
de son père, il s’est fait donner celui-ci pour une nuit et un jour,
c’est-à-dire l’espace de Samain , ce qui
équivaut à l’éternité. Cette idée s’est perpétuée dans la Toussaint chrétienne,
plus particulièrement en Bretagne armoricaine, malgré la contamination du Jour
des Morts, qui est le 2 novembre. En réalité, dans la pensée celtique, il
n’y a ni morts, ni vivants à Samain , pas plus
qu’il n’y a de dieux ni d’humains. Il y a tout .
Sans qu’on puisse l’affirmer, il est vraisemblable qu’à
cette occasion, des jeux dramatiques, rappelant les grands mythes primordiaux,
étaient représentés, chacun jouant un rôle dans cet affrontement généralisé des
forces en présence. Du reste, la fête durait trois jours, ce qui permettait de
multiplier les activités – et les festins.
Trois mois après Samain avait lieu la fête d’ Imbolc , le 1 er février,
vraisemblablement sous le patronage de la déesse Brigit. La fête d’ Imbolc , récupérée par le christianisme et devenue la
Chandeleur, est significative du milieu de l’hiver. On y exalte le feu, mais
aussi l’eau lustrale. C’est une fête de purification, sens que possède toujours
la Chandeleur. Mais nous sommes très mal renseignés sur les composantes d’ Imbolc , toutes les références païennes ayant été
écartées par les chrétiens, gênés – on le serait à moins – par le problème de
la déesse Brigit qui réapparaît sous les traits de l’abesse Brigitte de
Kildare, et dont la fête était le 1 er février. Cela dit, Imbolc semble présenter beaucoup moins d’importance
que Samain . Cette fête ne concerne pas la
classe guerrière, ni le roi : elle était peut-être plus intime, plus
locale.
Par contre, Beltaine , la
fête du 1 er mai, a une importance considérable. C’est l’autre
sommet du pivot de l’année celtique. Le nom signifie « Feu de Bel »
et réfère à une idée de lumière et de chaleur. C’est la fin de l’Hiver et le
début de l’Été. D’où les rites du feu, particulièrement abondants, et la
sacralisation de la végétation naissante. Dans une société pastorale comme
celle des Celtes primitifs, et particulièrement des Irlandais, c’est le moment
crucial de l’année où les troupeaux sortent des abris et vont paître dans la
campagne. Les
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