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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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l’huissier, qui apporta sur-le-champ des cafés largement arrosés de lambic enflammé qu’il se procurait en fraude et qui fleuraient la pomme à cidre. Cette seule odeur réveilla l’inspecteur qui s’ébroua avant de se jeter sur le café, qu’il but à grand bruit tant il était brûlant. Un long silence suivit.
    — M’est avis dit Bourdeau, sentencieux et goguenard, que ce café n’est qu’une invitation à des accompagnements plus solides.
    — M’est avis, dit Nicolas, que je vous suis sur cette voie, moi qui n’ai dans le ventre, depuis hier midi, qu’une brioche pour mauviette, et que je suis attentif à ce que vous m’allez proposer.
    — Notre lieu habituel de débauche lorsque la faim nous pèse et que le temps nous presse, rue du Pied-de-Bœuf, me paraît le bon choix.
    — J’ai faim, donc je vous suis, c’est mon cogito du matin.
    — D’autant plus, reprit Bourdeau, que je suis passé chez Sanson qui sera à midi sonnant à la Basse-Geôle pour l’ouverture du corps que vous savez. Il n’y faut pas assister le ventre vide, nous risquerions le hoquet…
    Il s’esclaffa et Nicolas frémit à l’idée de cette sinistre perspective. Il était cependant d’accord : l’ouverture était une opération semblable aux promenades en mer, toutes les deux exigeaient un estomac solidement lesté.

    Leur taverne habituelle était à quelques toises du Châtelet. La proximité de la Grande Boucherie, si elle conduisait à développer sanies et odeurs, offrait aussi l’avantage de produits frais. Dès leur arrivée dans la salle basse et enfumée, Bourdeau appela son compain — ils étaient tous deux natifs d’un village proche de Chinon, en Touraine — et l’interrogea sur ce que la cuisine offrait à une heure si matinale. Le gros homme rougeaud hocha la tête avec un fin sourire.
    — Que vais-je pouvoir vous servir ? fit-il en envoyant une bourrade qui aurait renversé quelqu’un de moins d’aplomb que Bourdeau. Hum… Ça vous dirait, un pâté de poitrine de veau ? J’en ai préparé pour un mien voisin qui baptise son premier-né. M’en vais vous le réchauffer. Avec deux pichets de rouge de chez nous, comme d’habitude.
    Nicolas qui adorait connaître le dessous des choses, lui demanda la manière dont il traitait ce plat prometteur.
    — C’est bien parce que c’est vous, monsieur le commissaire. Autrement, même la question donnée par Monsieur de Paris 16 ne me ferait pas desserrer la bouche. Voilà. Vous me coupez un bon morceau de poitrine de veau, bien choisi, dodu et nacré. Vous me le débitez en tronçons que vous lardez d’un ou deux morceaux de gras. Là-dessus, vous me préparez une pâte brisée au saindoux que vous abaissez dans la tourtière. Vous empâtez les tronçons dans celle-ci après les avoir assaisonnés de lard, sel, poivre, clous, muscade, fines herbes, laurier, champignons et culs d’artichauts. Vous recouvrez le tout de pâte. Deux heures gaillardes au four du potager. Vous sortez, vous ouvrez un nombril au couteau et vous y introduisez avec délicatesse une sauce blanche bien conditionnée avec un jus de citron et des jaunes d’œuf, juste avant de servir.
    — Voilà qui me paraît conséquent et congrûment en accord avec le vide de nos personnes, dit Bourdeau, le regard émerillonné et les lèvres tremblantes de gourmandise.
    — Et pour vous laver la bouche, je vous servirai des cerises, les premières de l’année, cuites au vin à la cannelle.
    — Ce sera parfait pour un petit souper de onze heures, dit benoîtement Nicolas.
    Un pichet d’un vin violet leur fut prestement apporté. Ils burent force verres en calmant leur fringale avec une salade de fèves aux lardons. Nicolas informa Bourdeau des événements de la nuit tels qu’il les avait vécus avec Semacgus. Il lui rapporta l’essentiel de son entretien avec M. de Sartine, insistant sur le fait que leur chef avait désigné l’inspecteur pour lui prêter main-forte dans une affaire aussi délicate.
    — Si je comprends bien, dit Bourdeau rougissant de plaisir, notre tâche première sera de traiter l’affaire de la jeune fille étranglée afin de donner le change sur notre activité réelle ?
    — C’est tout à fait cela. Il reste que, du résultat de l’ouverture, dépendra la crédibilité de notre alibi. Les marques au cou peuvent correspondre à des tentatives de désengagement d’un corps imbriqué avec d’autres.
    — Je ne crois pas. Rien dans

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