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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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rassura Nicolas. Y a-t-il autre chose ?
    — Élodie, elle mangeait beaucoup. Elle emportait des choses dans sa chambre, même que ça attirait les souris. Elle grossissait beaucoup, beaucoup. Je l’ai vue un jour en jupons. Elle m’a frappée en me menaçant si j’en parlais.
    — Et tu en as parlé ?
    — Oui, à papa.
    — Et la pelle ? demande Nicolas, qui savait choisir le moment opportun qui surprend le témoin.
    Effarée, la petite rougit jusqu’à la racine des cheveux.
    — C’est toi, méchant, qui a pris mes dessins !
    — La question n’est pas là. Vous dessinez très bien. Que représente ce personnage qui tient une pelle ?
    Elle hésita un court moment et se jeta à l’eau.
    — C’est le sauvage. Je le préfère sans sa tenue, tu sais, sans son manteau et son chapeau. Autrement, on ne voit plus son visage et cela me fait peur. Une nuit, j’ai entendu le bois craquer.
    — Le bois ?
    — Le parquet. J’ai ouvert la porte et suis allée voir en glissant. Le sauvage descendait vers le rez-de-chaussée, un paquet à la main, en manteau et en chapeau, et avec une grande pelle.
    — Mais il faisait nuit noire !
    — Non, la lune éclairait l’escalier.
    — Vous l’avez suivi ?
    — Ah ! non, j’étais trop effrayée. Je suis vite rentrée dans ma chambre. Déjà que je l’avais entendu souffler avec Élodie. Sûr qu’il lui faisait mal, elle gémissait.
    — Quand cela ?
    — Un après-midi, ils soufflaient très fort tous les deux.
    Nicolas n’insista pas, mais il se devait d’éclaircir un détail.
    — La nuit de la pelle, c’était quand ?
    — La nuit.
    — Oui, je sais, mais par rapport à aujourd’hui ? Il y a deux jours, une semaine, quinze jours ?
    — Je crois… je crois une grosse semaine.
    — Merci, Geneviève, dit Nicolas. Vous m’avez été très utile, mais il faut me promettre de ne parler de notre conversation à personne.
    — Même à tante Camille et à papa ?
    — Même à eux. À personne. Je ne voudrais pas que quelqu’un d’autre vous écoute comme vous le faites quelquefois vous-même. Comprenez-vous ? C’est très dangereux.
    Lentement elle abaissa la tête à plusieurs reprises en reniflant. Nicolas songea que l’innocence de cette enfant était déjà bien compromise, mais s’agissait-il encore d’innocence ? Cette maison était tellement emplie de délires et de faux-semblants qu’on pouvait s’attendre à tout. Poitevin trépignait à la porte ; ils s’engouffrèrent aussitôt dans la voiture. Il observa que les deux gardes-françaises en faction n’avaient pas été remplacés. Estimait-on que cette protection recelait plus de périls que de sûreté et qu’elle attirait l’attention du peuple ? Apparemment, les désordres de la nuit n’avaient pas dépassé cette fois les frontières du domestique. Le quartier demeurait paisible et se réveillait sans trouble ni interrogation. Nicolas ne se faisait d’ailleurs guère d’illusions : le tu et le dissimulé finiraient par franchir les murs de la demeure et bientôt la rumeur gonflerait les inquiétudes et ensuite nourrirait la colère contre l’inconnu qui le menaçait. Rien ne saurait demeurer secret dans la capitale du royaume. Il savait que tout était vite surpris dans des maisons trop ouvertes et trop transparentes, qui laissaient sourdre tout le détail des intérieurs et des intimités. Le dehors et le dedans s’entremêlaient sans limites clairement marquées.
    Les révélations de Geneviève s’imposèrent de nouveau à sa réflexion ; elles le laissaient pantois 77 . Si elles étaient exactes, de nouvelles pistes s’ouvraient. Mais rien ne pesait encore sur le fléau de la balance dans un sens ou dans un autre. Les membres de cette famille — y compris le commis et Naganda qui n’en faisaient pas partie — paraissaient tous, sans exception, susceptibles d’alimenter soupçons et présomptions. De sa conversation avec l’enfant, il découlait que Naganda et Élodie pouvaient avoir été amants et que le Micmac jouait un rôle central dans le drame de la rue Saint-Honoré.
    Le mal de tête le gagnait. Il était urgent de laisser reposer tout cela, comme le levain dans la pâte. Il respira profondément et Poitevin, sensible à son malaise, lui pressa amicalement le bras. Il semblait croire que la simple présence de Nicolas réglerait la question, que le salut de son maître en dépendait. Nicolas frappa au fenestreau pour faire

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