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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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arrive toujours ivre le matin, et je le conduis à la pompe pour le réveiller. Enfin, je l’attendais. J’ai entendu la porte de l’escalier s’ouvrir. À cette heure matinale, j’ai bien cru que c’était vous, monsieur Nicolas, qui descendiez. Or, c’était le vieux monsieur qui chantait à mi-voix. À ce moment, trois hommes ont jailli de l’ombre. Ils l’ont frappé à coups de canne. Le vieux monsieur les a cramponnés. Ils l’ont repoussé et il est tombé sur cette borne.
    Il la désigna du doigt.
    — Il semblait mort. Celui qui les commandait et qui avait un uniforme leur a dit : « Bon Dieu, c’est pas le bon ! C’est pas le commissaire. »
    Nicolas fureta tout autour de l’entrée, une main dans sa poche. Soudain, il se baissa et ramassa quelque chose sur le sol. Il tendit au commissaire Fontaine un petit objet brillant.
    — Ceci pourrait bien appartenir à l’un des agresseurs. Noblecourt l’aura sans doute accroché et arraché en tombant.
    — Curieuse chose. Avez-vous idée de ce que cela peut être ?
    — Oh ! Une sorte d’ornement, de parure… Jean-Baptiste nous parlait d’un uniforme.
    Fontaine rendit l’objet à Nicolas.
    — Je présume, mon cher confrère, qu’il vous revient de suivre cette affaire ? Elle vous concerne à plus d’un titre. Il y a eu erreur sur la personne, et c’est vous qui étiez visé.
    — Vous êtes trop aimable, je vous en remercie. Je vous tiendrai au courant.
    — À charge de revanche, et saluez M. de Sartine de ma part.
    Nicolas sourit. On lui prêtait une influence dont il n’avait pourtant jamais usé, ni au bénéfice ni au détriment de ses collègues. Il remonta dans le fiacre qui avait attendu et ordonna qu’on le conduisît rue Neuve Saint-Augustin, à l’hôtel de police. Rassuré sur l’état de M. de Noblecourt, il devait maintenant voir le lieutenant général de police, lui expliquer les circonstances et le convaincre d’obtenir l’aval du roi afin que soit saisi l’archevêque de Paris et mis en branle le processus qui conduirait l’Église à décider des mesures rituelles contre un cas de possession avéré. La nature même de sa pensée le frappa, comme si son propre siècle, celui de Voltaire et des encyclopédistes, se dissipait soudain en illusions, rejetant la ville et ses habitants dans des temps révolus. Et pourtant, il n’avait pas rêvé ce qu’il venait de vivre rue Saint-Honoré. Ses muscles lui faisaient encore mal des efforts prodigués pour maîtriser la Miette sur sa paillasse soulevée.
    Il revint sur l’attentat perpétré contre le vieux procureur. Tout cela coulait de source. Le major Langlumé lui vouait une solide rancune, sans aucun doute accrue par les premières conséquences de l’enquête sur la catastrophe de la place Louis XV, et il avait décidé de se venger. Nicolas avait feint de trouver par terre le ferret recueilli dans la serrure de la porte des combles de l’hôtel des Ambassadeurs Extraordinaires. La fureur qui le soulevait à la pensée que l’inoffensif Noblecourt se trouvait mêlé à cette affaire et y avait risqué sa vie lui avait inspiré ce tour de bonneteau qu’une candide morale réprouvait. Sa seule justification résidait dans l’impossibilité de confondre Langlumé d’une autre manière. N’empêche, il devait se souvenir, afin de ne point se charger l’âme d’un remords inutile, que M. de Noblecourt avait échappé de peu à la mort et que si sa tête avait frappé un peu plus durement la borne, c’eût été d’un crime que le major des gardes de la Ville aurait eu à répondre.

    Tout alla très vite. À l’hôtel de police, Sartine était absent et ne reviendrait que le lendemain à Paris. Nicolas récupéra le hongre prêté par la grande écurie de Versailles et qu’aucun coureur disponible n’avait encore reconduit. Il prit le temps d’écrire une courte note à Bourdeau pour le charger de diverses missions. Il franchit ensuite la Seine jusqu’aux Carmes deschaux, où il conta au père Grégoire horrifié les péripéties de la nuit passée. Convaincu par son récit, celui-ci rédigea un billet destiné à l’archevêque de Paris, dans lequel il lui recommandait Nicolas et se portait garant de la sincérité de ses propos. Il bénit une nouvelle fois Nicolas avant de se mettre en prières devant la Vierge de marbre blanc, orgueil du sanctuaire.
    Nicolas rejoignit la route de Versailles par Meudon et Chaville à travers bois et

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