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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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laquelle était découpé leur numéro. Évidemment, ils étaient enregistrés au bureau de sûreté et, le commissaire ne le cacha pas, servaient d’utiles auxiliaires à la police. Quai de la Mégisserie, deux ou trois malandrins les suivirent quelque temps, mais la stature du religieux et l’épée de Nicolas s’ajoutant à l’arrivée d’une patrouille du guet, les dissuadèrent de tenter l’aventure. Rue Saint-Honoré, Semacgus vint leur ouvrir, le teint encore plus animé que de coutume.
    — Vous tombez bien ! s’écria-t-il. Je prenais un peu de repos dans votre chambrette, quand j’ai entendu un vacarme étrange. Peu après, la Miette est entrée en crise.
    Le chirurgien paraissait vieilli et égaré.
    — Elle a parlé avec la voix de Mme Lardin 83  ! reprit-il. Nous avons dû la sangler sur sa couchette.

IX
    EXORCISME
    Dans ce combat, le Christ ne se tient pas dans l’entre-deux, Il est tout entier nôtre. Quand nous sommes entrés en lice, Il nous a oints et a enchaîné l’autre.
    Saint Jean Chrysostome

    Semacgus décrivit les événements du début de la nuit. Il corroborait les récits précédents de Nicolas. Le chirurgien était si éprouvé par ce qu’il avait constaté, qu’il en venait à douter de lui-même et parlait de consulter un confrère pour vérifier son état de santé. Il s’égarait en conjectures plus invraisemblables les unes que les autres afin de trouver une explication qui soulageât son angoisse et ses interrogations. Nicolas se garda bien de triompher devant ce retournement, heureux et rassuré de partager désormais ce poids d’incertitude avec son ami. Quant au père Raccard, il se frottait les mains avec une sorte de jubilation, comme un vieux soldat qui s’apprête à monter à l’assaut de la redoute. Sa bonne humeur agit comme un stimulant sur l’accablement du chirurgien de marine. Nicolas, plus attentif aux avertissements de ses sens toujours en éveil, percevait à nouveau, depuis son entrée dans la demeure des Galaine, le bruit lointain du tambour de Naganda. L’idée l’effleura, sans qu’il s’y arrêtât, d’un lien entre ces pratiques sauvages et le drame qui se répétait dans la chambre de la Miette, soumettant le corps et l’esprit de la servante aux tourments d’une force obscure et menaçante.
    Des cris parvinrent du second étage. Bientôt, le fils Galaine, en sueur, les cheveux collés et la chemise déchirée, dévala l’escalier. Il hurlait plus qu’il ne parlait. La Miette s’était détachée. Une force inconnue avait rompu les sangles qui la tenaient liée sur sa couche. Le père Raccard calma son monde. Il ouvrit son portemanteau, en sortit son étole — qu’il embrassa et passa à son cou — puis la bouteille d’eau bénite et les autres objets liturgiques. Il alluma les cierges et les distribua aux assistants, qui avaient été rejoints par les autres membres de la famille. Le marchand pelletier et la cuisinière étaient demeurés devant la porte de la mansarde de la Miette, où plus personne n’osait pénétrer. L’exorciste demanda une assiette dans laquelle il versa un peu d’eau bénite. Il se mit en prières, puis trempa le rameau de buis et aspergea les quatre points cardinaux. Il ordonna que chacun s’agenouille. D’une voix forte et déterminée, il lança une première admonestation.
    — Je t’adjure, antique serpent, par le juge des vivants et des morts, par le créateur du monde qui a le pouvoir de te précipiter dans la géhenne, va-t’en sur-le-champ de cette maison. Maudit démon, il te le commande. Celui à qui obéissent les vents, la mer et la tempête, Il te le commande. Celui qui, du haut des cieux, t’a précipité dans les abîmes de la terre, Il te le commande. Celui qui a la puissance de te faire reculer, Il te le commande. Écoute donc, Satan, et tremble. Sors d’ici, vaincu, rampant et adjuré au nom de Notre Seigneur Jésus Christ qui viendra juger les vivants et les morts. Amen.
    Il continuait ses aspersions et fit réciter à tous le Pater . D’épouvantables hurlements ponctuaient le sourd murmure des prières. À leur tour, Charles Galaine et la cuisinière, épouvantés, rejoignirent le groupe. Le religieux demanda des braises qu’on courut chercher dans le potager de l’office et qu’on rapporta sur un petit réchaud de terre cuite. Il disposa dessus, en forme de croix, l’encens qu’il tira de la petite boîte en argent. Le rez-de-chaussée s’emplit de

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