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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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sur la colombe du Saint-Esprit.
    — Dieu se sert, parfois, de ce qu’il y a de plus bas, de plus méprisable dans l’univers et même des choses qui ne sont point, pour détruire celles qui sont 82 .
    Il se dressa. Nicolas ne l’imaginait pas si grand. Sa masse, dans l’apparat des habits épiscopaux, en imposait. Cependant, le haut du corps et le cou faisaient un angle curieux avec le reste ; l’effort du prélat visait à se tenir plus droit mais ses efforts infructueux procuraient cette étrange impression. Sa démarche elle aussi était marquée par des douleurs sensibles. Il se suspendit, plus qu’il ne la tira, à une longue bande de tapisserie. Un timbre lointain grelotta. Mgr de Beaumont vint se rasseoir en laissant échapper un soupir de soulagement.
    — Mon opinion était faite sur cette affaire avant votre arrivée. Je souhaitais simplement savoir si le roi déciderait l’intervention de ses gens, et qui serait désigné pour ce faire.
    Nicolas pressentait derrière ces paroles toute la puissance d’une Église, comme si son existence au service de la police du royaume avait été regardée, jugée, décryptée.
    — Le père Grégoire se porte garant de votre… honnêteté, pour utiliser un terme du monde. Il m’assure que vous aborderez cette grave et troublante affaire en conjuguant les forces de la raison et l’obéissance aux préceptes de notre sainte Église. Je n’espérais pas votre venue ce soir, mais je savais que vous aviez parlé au roi au débotté de sa chasse du jour.
    Nicolas goûta la délicatesse du propos. Comment pouvait-on mieux signifier que l’archevêque avait des yeux et des oreilles en tout lieu, y compris à la cour, et cela jusque dans l’entourage immédiat du souverain.
    — Aussi, ajouta l’archevêque, avais-je pris les devants. Lorsque mon secrétaire m’a annoncé votre présence, j’étais sur le point de souper avec le père Raccard, mon bras armé dans les régions ténébreuses, l’exorciste du diocèse.
    À ce moment, le secrétaire surgit d’une autre porte dissimulée par une tapisserie, qu’il tint relevée pour laisser entrer un homme de haute taille, qui paraissait être une véritable force de la nature. Nicolas estima que l’homme approchait la cinquantaine. Des cheveux grisonnants, tirés en arrière, dégageaient une figure plus militaire qu’ecclésiastique. De toute évidence, son aspect extérieur laissait le père Raccard indifférent comme le prouvait une soutane si usée, si souvent lavée et repassée qu’elle se moirait de reflets verdâtres et que les lisérés montraient le cordonnet par endroits. Les manches un peu courtes laissaient entrevoir des vestiges de manchettes de dentelle déchirées et jaunâtres qui attiraient le regard sur des mains épaisses aux phalanges couvertes de touffes de poils bruns. Le personnage évoquait pour Nicolas un bûcheron qui travaillait dans le parc du château de Ranreuil et dont l’aspect l’effrayait lorsqu’il le croisait. Des yeux bruns empreints de douceur se fixèrent sur le commissaire et la bouche esquissa un sourire qui atténua le saisissement que suscitait l’apparence de l’exorciste.
    Le prélat fit les présentations. Il paraissait souffrir de plus en plus et s’affaissait dans son fauteuil, montrant par là que son attitude hiératique tenait à un effort douloureux de volonté.
    — Mes fils, je vais vous laisser préparer votre combat. Il impose et exige une âme claire, mais également la force simple de la vérité. Recevez ma bénédiction.
    Sa main droite s’éleva et il prononça avec une réelle majesté les paroles sacramentelles. Raccard prit Nicolas par l’épaule et l’entraîna vers la porte. Le prélat paraissait endormi mais la crispation de ses traits prouvait qu’une crise douloureuse le tenaillait. Le secrétaire s’empressait, sans plus s’occuper des visiteurs. Ils se trouvèrent sur le parvis Notre-Dame déjà plongé dans la nuit.
    — Voulez-vous que nous gagnions la rue Saint-Honoré ? demanda Nicolas. Je vous exposerai en chemin mes observations.
    — Que non, vous m’avez privé du souper de l’archevêque ! À vrai dire, je n’ai rien perdu. Sa santé ne lui autorise que racines et verdures. Or, sachez bien que la tâche qui nous incombe demande qu’on ne maltraite pas son corps. L’exorcisme, qu’au demeurant nous ne pratiquons que rarement, tant les cas extrêmes sont l’exception, requiert une force physique et une

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