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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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sachent. Mais je serais toujours le seul à porter sa mort sur ma conscience. Comme toutes les autres.
    La cérémonie me causa un profond cafard. Je passai le reste de la journée cloîtré dans ma chambre. Je n’avais ni faim, ni soif, et refusai les repas que Roger Bernard eut la délicatesse de me faire porter sans même laisser entrer le domestique. Je n’avais goût à rien et, si la mort s’était présentée à ce moment-là, même la perspective d’un retour en enfer n’aurait pu me motiver à la repousser. Bien sûr, je savais depuis plus d’un mois que mon maître était mort. Pourtant, le fait d’avoir vu ses restes et de les avoir tenus dans mes mains donnait à sa disparition une finalité qui me frappait comme un coup de masse d’armes entre les yeux.
    L’inhumation de Bertrand de Montbard confirmait que j’étais désormais seul, sans autre conscience que la mienne pour me guider et tenir ma nature en échec. Compte tenu de mon parcours, ceci n’avait rien pour me rassurer. J’avais amplement démontré ma propension au débordement et à l’emportement, avec les conséquences que cela avait eu sur mon salut. Seul mon maître avait su endiguer ma violence, ne fût-ce que par moments. Sans lui, je n’osais même pas imaginer ce que je pourrais faire.
    Le soleil se coucha sans que le goût de vivre ne me revienne. J’avais l’impression d’entrer dans une nouvelle phase de mon existence et je crevais de peur. Chacune de mes décisions semblait alourdir le poids que je portais. J’avais vu dans mon élection comme Magister de l’Ordre l’occasion de faire avancer ma propre cause. J’avais manipulé ses membres pour me rendre à Toulouse sans éveiller leurs soupçons et y contacter le Cancellarius Maximus. Tout cela, je l’avais fait dans le seul espoir de rassembler les deux parts de la Vérité, sans égard pour les autres. J’avais été emporté par l’ouragan de la croisade et il en avait résulté la trahison de Raynal, la mort de Montbard, un nouveau supplice pour ma pauvre Pernelle et les tortures subies par le loyal Ugolin. Je commençais à comprendre la lassitude de sire Ravier, dont je réalisais qu’elle n’avait pas seulement à voir avec sa maladie. Le poids de l’abacus était énorme.
    De mon passé, il ne me restait désormais que Pernelle. Et voilà maintenant que je risquais d’entraîner la douce Cécile dans cet engrenage infernal, dont elle ne pourrait jamais sortir indemne. Je devais la tenir à l’écart, pour son propre bien et à mon infinie tristesse. Je me demandais seulement si j’en aurais la force.
    Elle dut sentir mon tourment car, pour la première fois depuis que je lui avais annoncé mon départ éventuel, elle vint dans ma chambre. Elle referma doucement la porte, se dévêtit et se glissa sous les couvertures. Quelques instants plus tard, elle m’enlaça dans ses bras, mais eut la délicatesse de ne rien dire. Après m’être enivré de son corps, je m’endormis enfin, dans la chaleur et la sécurité de son étreinte.
    J’étais de retour dans la clairière, non loin de Rossal, où Montbard et moi avions occis les hommes d’Onfroi voilà tant d’années déjà. Il faisait nuit noire. Je me tenais à l’orée des bois et j’observais, tendu. De là où je me tenais, je pouvais apercevoir les cadavres fraîchement égorgés sur le sol. Pourtant, je ne ressentais pas la frénésie qui m’avait emporté alors. Un seul brigand semblait avoir échappé à notre vengeance. Il était là, assis près du feu, et me tournait le dos. Il paraissait indifférent à la présence de tous ces morts autour de lui.
    En silence, je tirai mon arme et fus surpris de constater qu’il s’agissait de Memento. Que faisait-elle là, elle que je n’avais forgée que plusieurs années après cet événement ? Je compris que je rêvais. Sur la pointe des pieds, je m’approchai de l’inconnu, bien décidé à faire rouler sa tête et à l’envoyer rejoindre ses complices sans autre forme de procès. J’étais arrivé à quelques pieds de lui sans avoir provoqué le moindre craquement qui puisse l’alerter de ma présence. L’épée levée, j’allais le raccourcir lorsqu’il se retourna lentement.
    —    Tu ne croyais tout de même pas te débarrasser de moi aussi aisément, jouvenceau ? demanda Bertrand de Montbard en souriant. Tu devrais pourtant savoir que je te collerai toujours après comme de la merde dans tes braies.
    —    Maître

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