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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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? fis-je, abasourdi, en abaissant mon arme.
    —    Comme tu vois. Bordel de Dieu, tu es pâle comme un linge. On dirait que tu viens de rencontrer un mort.
    —    Mais... vous êtes mort.
    —    Ah, tiens ! c’est vrai. J’oubliais, dit-il en s’esclaffant et en se tâtant théâtralement la poitrine.
    Il se déplaça un peu et je constatai sans grand étonnement qu’il avait ses deux jambes.
    —    Viens, assieds-toi, dit-il en tapotant le sol près de lui.
    J’obtempérai, trop heureux de me retrouver en sa compagnie, même si je savais que tout cela n’était qu’un songe.
    —    Maître, je suis si heureux de vous voir, dis-je d’une voix tremblante d’émotion.
    —    Allons, tu ne vas pas te mettre à pleurnicher comme une femmelette ? Que tu me voies de tes yeux ou non n’a aucune importance. Je serai en toi jusqu’à ta mort. La seconde, je veux dire.
    Je le regardai, interdit.
    —    Vous... vous savez ?
    —    La mort est embêtante, certes, mais elle recèle certains privilèges, dont celui de comprendre ce qui nous a échappé de notre vivant. Par exemple, le petit détail que représente ta damnation.
    Il me serra affectueusement l’épaule.
    —    Si j’avais su, jouvenceau, soupira-t-il.
    —    Vous ne le pouviez pas, ni ne le deviez. Et qu’auriez-vous pu faire, de toute façon ? Ce fardeau, je dois le porter seul.
    —    On n’est jamais tout à fait seul.
    —    Il vaut mieux que je le sois. Tous ceux qui ont le malheur de croiser ma route paient de leur vie, vous le premier. Votre exclusion des Templiers, la honte et l’amertume avec lesquelles vous avez dû vivre, et maintenant votre mort après toutes ces tortures. Votre existence aurait été tout autre sans moi.
    —    C’est vrai, mais elle aurait aussi été plus vide. Je t’ai aimé comme un père, jouvenceau. Tu sais cela, non ?
    —    Oui... dis-je, penaud.
    —    Et puis, crois-tu vraiment que la Création entière tourne autour de ta petite personne ? Les voies de Dieu n’appartiennent qu’à lui. Qui es-tu pour juger des occasions qu’il donne à chaque âme de se purifier ? Serais-je devenu celui que j’ai été si ma destinée n’avait pas été liée à la tienne ? Aurais-je fait les mêmes choix ? Dieu a créé les âmes et leurs progrès s’entremêlent en un écheveau que seul Il peut démêler. Si nos routes se sont croisées, c’est que j’en avais besoin autant que toi. Beatus homo, qui corripitur a Deo; increpationem ergo Omnipotentis ne reprobes. Quia ipse vulnerat et medetur, percutit, etmanus eius sanabunt . (Heureux l’homme que Dieu châtie ! Ne méprise pas la correction du Tout-Puissant. Il fait la plaie, et il la bande ; Il blesse, et sa main guérit. Livre de Job 5,17-18.) Tout ne se rapporte pas qu’à toi, figure-toi.
    Autour de nous, il me sembla qu’il faisait tout à coup plus clair. Montbard le remarqua, lui aussi.
    —Je dois y aller.
    —    Où ?
    —    Ma foi, je n’en ai pas la moindre idée, dit-il en haussant les épaules. Là où vont les morts, je suppose.
    —    Pas au même endroit que moi, j’espère.
    —Je verrai bien. J’irai là où on me croit utile, comme je l’ai toujours fait.
    Il se leva, fit quelques pas vers la forêt d’où une lumière diffuse, mais de plus en plus brillante, émanait, éclairant les arbres à contre-jour. Elle semblait l’attirer irrésistiblement. Il allait y pénétrer lorsqu’il s’arrêta et se retourna. Il m’adressa un sourire triste et, dans la lumière, j’eus l’impression que des larmes mouillaient ses joues.
    —    N’oublie pas ton vieux maître d’armes, jouvenceau. Mon enseignement n’est pas terminé. Ce que j’étais est en toi et le restera pour toujours.
    Une aura de lumière l’enveloppa et le templier se transfigura sous mes yeux. Son visage prit une expression d’extase et un sourire béat l’éclaira alors qu’il admirait quelque chose qu’il était le seul à apercevoir.
    —    Par le cul poilu du vieux Joseph, dit-il en riant comme un petit garçon. Si tu voyais ce que je vois...
    J’aurais bien voulu, mais lors de ma propre mort je n’avais vu que l’enfer froid et désespérant. Il me regarda une dernière fois, puis avança vers la lumière.
    —    Gondemar, dit-il sans se retourner. Crois-m’en, la mort vaut la peine pour qui a bien vécu. Fais la volonté de Dieu en te rappelant qu’il exige toujours

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