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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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dans l’autre. Le voilà qui exige des doubles portions. Je le soupçonne d’avoir tenté de sautiller dans la pièce et d’avoir chuté. Son moignon s’est un peu fendu. Rien de grave, heureusement.
    Montbard et moi échangeâmes un regard entendu. Nous savions tous deux dans quelles circonstances sa blessure s’était rouverte. Peirina, bien entendu, n’avait pas vendu la mèche.
    —    Bah ! Tu devrais être contente, petite engeance ! s’écria-t-il d’une voix à la bonne humeur un peu forcée. Si je veux sortir d’ici, il faut bien que je mange. Même cette infecte bouillie fera l’affaire. Mais, par la queue du diable, un peu de viande ne me ferait pas de tort !
    Il plissa le visage et toisa Ugolin, son œil valide brillant d’une lueur espiègle.
    —    Dis donc, toi, ne m’as-tu pas déjà mentionné que tu savais travailler le bois ?
    —    Avant la croisade, j’étais apprenti charpentier. Pourquoi donc ?
    —    Si tu voulais, tu pourrais me fabriquer une béquille, non ?
    —    Oui, certes, mais.
    —    Alors qu’attends-tu, gros balourd ? insista Montbard.
    Le géant jeta un regard inquiet vers Pernelle, dont l’autorité absolue sur ses patients était redoutée de tous.
    —    Il est encore bien tôt. hésita celle-ci.
    —    Tu m’as coupé la jambe ! éclata mon maître. Putain de Dieu, je ferai bien ce que je voudrai avec celle qui me reste ! Il y a des mois que je suis assis sur mon cul ou couché comme un goutteux. Il est temps que je fasse quelque chose de ma carcasse. Si je m’allonge encore, ce sera pour mourir !
    —    Tout de même, je pense que.
    —    Franchement, ce que tu penses, petite mécréante, tu peux te le fourrer là où même la lumière divine ne brille jamais. Je suis assez vieux pour décider moi-même si je peux marcher ou non !
    Les yeux de Pernelle s’agrandirent d’indignation et ses joues prirent une révélatrice teinte rosée, mais elle réussit à se contenir. Indécis, Ugolin me consulta du regard.
    —    Va la lui fabriquer, sa béquille, dis-je en souriant. Ce vieux bouc ne cessera pas de grogner tant qu’il ne l’aura pas. Et Dieu sait qu’il peut être agaçant, n’est-ce pas, Pernelle ?
    —    Qu’il s’en aille en sautillant sur un pied s’il le souhaite, ragea-t-elle, les bras en l’air, exaspérée. Et surtout, qu’il ne revienne pas ! Sinon, je crois que je finirai par l’empoisonner dans son sommeil.
    —    Bon ! s’exclama Montbard en se frottant les mains. La chose est organisée ! Allez, mon gros, au travail !
    Ugolin s’approcha de Montbard et lui tendit la main.
    —    Levez-vous, dit-il en le tirant pour le mettre sur pied.
    Mon maître vacilla un peu, cherchant un équilibre précaire.
    —    Appuyez-vous sur moi, dit le Minervois en s’agenouillant.
    —    Mais qu’est-ce que tu fais ? s’enquit Montbard. Je t’ai demandé de me fabriquer une béquille, pas de m’en tenir lieu.
    —    Vous en voulez une, oui ou non ? s’impatienta Ugolin. Alors laissez-moi vous mesurer et taisez-vous.
    Montbard, qui ne s’était pas souvent fait parler sur ce ton, se tut, interdit.
    —    Dame Pernelle, auriez-vous du fil ? demanda le colosse.
    Pernelle lui tendit une pelote dont elle se servait pour recoudre les plaies. Il en déroula une longueur, posa une extrémité sur le sol et l’étira jusqu’à l’aisselle de Montbard. Il y fit un nœud et la cassa. Puis, il fit un second nœud à la hauteur du moignon. Quand il eut fini, il se releva et aida mon maître à se rasseoir.
    —    Bon, je vais voir ce que je peux faire, dit-il. J’ai comme une petite idée qui me trotte dans la tête.
    Il quitta la pièce avec son fil enroulé autour de la main. Nous restâmes là, sans dire un mot, la présence de Pernelle nous empêchant d’aborder le sujet qui nous brûlait la langue. Mon amie parut sentir notre malaise.
    —    Euh... Bon, balbutia-t-elle. Je... j’ai à faire. Je repasserai plus tard. Essayez de ne pas vous casser le cou avec votre béquille. Je détesterais vous revoir ici une nouvelle fois. Je cède à ce pauvre Gondemar le plaisir de votre compagnie. Après tout, chacun doit gagner son ciel comme il le peut.
    Elle me tapota le bras avec une sympathie presque comique puis sortit. Je m’assis sur le tabouret et dévisageai mon maître.
    —    Pour un homme que j’ai ramené ici presque sans connaissance voilà quelques heures à

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