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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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maugréa-t-il. Je fais ce que je peux sur un seul pied !
    Je l’entendis sautiller jusqu’à la porte, qui s’ouvrit. Je lui résumai la situation. Avec l’aide d’Ugolin, il passa sa jambe de bois, puis se vêtit. Ensemble, nous repartîmes en direction de l’écurie où, chose inhabituelle en pleine nuit, brillait la lumière de quelques lampes.
    Lorsque nous entrâmes, la première chose que je vis fut sire Ravier. Son visage était encore plus blême dans la lumière blafarde de quelques torches et ses lèvres tremblaient. Lorsqu’il nous vit, il s’écarta pour nous donner accès au triste spectacle qui s’offrait dans l’étable. Le pauvre Eiquem gisait sur le dos dans une stalle vide, les bras en croix et les jambes écartées. Je m’approchai pour mieux voir. Son regard sans vie fixait le plafond. Sous lui s’était formée une mare de sang.
    Montbard nous rejoignit en soufflant comme un taureau et en pestant dans sa barbe contre les limites que lui imposait son membre artificiel. Du coin de l’œil, j’entrevis Ugolin qui reculait discrètement vers la sortie, vacillant et pâle comme un drap.
    —    Va chercher dame Pernelle, lui ordonnai-je, sachant ce qui allait se produire.
    Le Minervois disparut aussitôt, trop heureux d’avoir une raison de quitter les lieux sans perdre la face. Mon maître et moi nous approchâmes du mort. Je m’agenouillai et, du bout du doigt, tournai la tête d’Eiquem d’un côté, puis de l’autre. L’assassin n’avait couru aucun risque. Il lui avait ouvert le gosier d’une oreille à l’autre.
    —    La plaie est profonde, remarqua Montbard qui, incapable de s’accroupir confortablement avec sa jambe de bois, se penchait de manière précaire par-dessus mon épaule pour regarder. Le pauvre garçon a dû expirer au bout de son souffle bien avant que son corps ne se vide de son sang. Celui qui a fait ça savait exactement comment tuer sans faire de bruit.
    Alors que j’observais la blessure, les paroles que les Neuf prononçaient à la conclusion de leurs assemblées me revenaient en tête, plus significatives que jamais. Que notre gorge soit tranchée si nous disons mot ! Était-ce un hasard si l’on avait occis Eiquem de cette manière ? Et qui avait bien pu vouloir du mal à cet homme discret qui acceptait de pratiquer un métier dangereux pour servir une cause qu’il croyait juste ?
    Sur l’entrefaite, Pernelle surgit, abandonnée à la porte par l’impressionnable Ugolin. Les cheveux en broussaille, mon amie avait jeté un châle de laine par-dessus une robe de nuit en toile. Ses pieds étaient chaussés de grossiers souliers de cuir et ses mollets nus étaient rougis par le froid. Ugolin l’avait mise au fait de la situation et, aussitôt entrée, elle nous rejoignit et se mit à examiner la dépouille d’Eiquem. De manière détachée, elle retourna d’abord ses mains et ses avant-bras.
    —    Aucune coupure, constata-t-elle. Il ne s’est pas défendu. Il n’a pas vu venir son assassin.
    —    Il a été surpris par-derrière, ajouta Montbard.
    —    D’autant plus que son visage ne porte aucune marque de coups, confirma mon amie, songeuse.
    —    Le tueur est gaucher, renchérit mon maître. Voyez comme la plaie sur sa gorge commence sous l’oreille droite et va en descendant.
    —    Lorsque le palefrenier qui l’a trouvé est arrivé, le cheval qui se trouvait dans cette stalle était déjà sellé et errait dans l’étable, dit Ravier.
    —    Eiquem tentait peut-être de s’enfuir, raisonnai-je. L’assassin l’aura surpris alors qu’il ouvrait la stalle et n’aura pas pris la peine de refermer la barrière en partant. Mais pourquoi voulait-il partir ? Il avait reçu l’ordre exprès de rester à l’intérieur de la forteresse. Même s’il s’était présenté à une des deux portes, on ne l’aurait pas laissé sortir.
    —    À moins qu’un complice l’ait attendu pour lui ouvrir, suggéra Montbard.
    Pernelle poursuivit son examen, pliant avec attention les bras et les poignets pour les laisser ensuite retomber, flasques.
    —    Il est encore tiède et ses membres ne sont pas raides, déclara-t-elle. Il a été tué voilà une ou deux heures tout au plus. Aide-moi à l’asseoir.
    J’obtempérai et empoignai la chemise gluante de sang par les épaules pour tirer le cadavre jusqu’à ce qu’il soit sur son séant. Pernelle se déplaça un peu et la releva pour dénuder le dos.

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