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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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encore ? Un convent secret d’adoratrices de Satan ayant renié tout ce qu’il y a de saint et de sacré terré en plein cœur de Montségur ? Des femmes s’enduisant de graisse de nouveau-nés avant d’enfourcher leur balai et se rendre tenir sabbat les soirs de pleine lune pour y copuler avec le diable et jeter des sorts ? De vilaines messes sacrilèges célébrées sur la muraille ? Je ne crois guère à ces balivernes.
    —    Germond, lui, le croit dur comme fer. Il dit que Daufina vient d’un petit village où les femmes de sa famille sont sages-femmes et guérisseuses de mère en fille depuis des générations. Rappelez-vous la vieille Ylaire, à Rossal. Elle accouchait les femmes et savait soulager bien des maux par ses philtres et ses potions, mais elle ne répugnait pas à jeter un sort de temps à autre.
    —    Vrai, admit-il du bout des lèvres. Mais que faisait Daufina sur la muraille ?
    —    Il paraît que, depuis quelques mois, elle y vient parfois, toujours en pleine nuit, les soirs de pleine lune. La dernière fois, c’était voilà une huitaine de jours. Germond l’a surprise en train de marmonner quelque chose en regardant fixement la lune. Elle semblait en transe. Il dit qu’elle tremblait comme une possédée.
    —    Bon, bon. Même si elle est sorcière et ne dédaigne pas les incantations nocturnes, qu’est-ce que cela a à voir avec la disparition des parchemins ? demanda Montbard, un peu impatienté.
    Je me levai pour prendre le bout de fromage qui restait.
    —    Et si je vous disais qu’elle avait quelque chose dans la main et qu’elle l’a prestement fourré dans son tablier dès qu’elle a entendu Germond approcher ? Puis qu’elle a tourné les talons et qu’elle est redescendue sans dire un mot ?
    Il laissa échapper un soupir contrarié, puis s’arrêta et me fit face.
    —    Donc, récapitula-t-il, nous savons que Daufina et Véran ont passé du temps sur la muraille, en pleine nuit. Lui avait des papiers dans les mains et elle, quelque chose dont nous ne connaissons pas la nature. En supposant qu’il s’agissait des documents, ils ont donc tous deux eu l’occasion de les faire sortir, contrairement à ce que nous avons d’abord cru.
    Montbard me regarda droit dans les yeux.
    —    Bougre de Dieu, je ne serais pas surpris si la Vérité avait déjà quitté Montségur. À l’heure qu’il est, elle n’est peut-être déjà qu’un tas de cendre dans la tente d’Amaury et le chien du pape se frotte les mains de contentement.
    J’acquiesçai, la gorge trop serrée par l’angoisse pour dire un seul mot. Si tel était le cas, mon âme serait bientôt perdue, elle aussi.
    Le reste de la journée se déroula sans histoire, mais j’eus grand mal à m’endormir le soir venu. La possibilité que la Vérité soit disparue à jamais me tourmentait au-delà des mots et un profond désespoir me gagnait. J’enviais l’innocence des habitants de Montségur, confiants dans leur foi et disposés à la défendre jusqu’à la mort en sachant que la lumière divine serait leur récompense. Je finis malgré tout par m’endormir, car les grands coups qui retentirent sur la porte de ma chambrette me tirèrent d’un sommeil agité. L’esprit embrumé, je me levai dans le noir pour ouvrir et Ugolin surgit, me bousculant presque pour entrer.
    — Tu as appris la nouvelle ? tonna-t-il, excité.
    —    Quelle nouvelle ? grommelai-je en grattant ma tignasse en broussaille. Je dormais. Comment veux-tu que j’apprenne quoi que ce soit ?
    —    Ah, oui, bien sûr, pardonne-moi. Mais c’est important. Tu te souviens de ce messager qui est arrivé au début du mois ? Celui auquel sire Ravier a interdit de repartir après les événements du temple des Neuf ?
    —    Oui. Eiquem de Castres.
    —    Eh bien, figure-toi qu’il a été retrouvé raide mort dans l’écurie.
    La nouvelle me fit l’effet d’une douche froide. Tout à coup, j’étais tout à fait réveillé.
    —    Tu es sérieux ?
    —    Je ne te tirerais pas du lit pour te faire une blague. Je me suis dit qu’il y avait peut-être un lien avec la disparition de ces documents que tout le monde cherche.
    Je m’habillai à la hâte, bouclai mon ceinturon et passai mon manteau. Nous sortîmes aussitôt dans le froid de la nuit et courûmes à l’habitation où dormait Montbard. Je tambourinai à sa porte avec insistance.
    —    Mais un moment, nom de Dieu !

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