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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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yeux, mais il évita mon regard et retourna s’asseoir. Comment ce balourd pouvait-il faire passer notre amitié avant le bien de l’Ordre ? Ne comprenait-il pas la gravité de la situation ? En pleine croisade, alors que rien ne semblait pouvoir arrêter Simon de Montfort et que la Vérité était plus que jamais menacée, il était impensable de désigner comme Magister un membre aussi nouveau que moi, nominalement chrétien de surcroît. Et surtout damné. Ce que je devais garder pour moi, évidemment, mais même sans cela, son vote était insensé.
    —    Gondemar de Rossal, quel est ton choix ?
    Je me mis debout, mon opinion étant faite depuis longtemps déjà.
    —    Je soutiens Eudes de Saint-Agnan, répondis-je d’un ton déterminé, en adressant un regard de reproche à mon compère, avant de répéter le cérémonial de la remise de la bille.
    —    Bertrand de Montbard, quel est ton choix ? poursuivit Esclarmonde.
    —    Je choisis Gondemar de Rossal, dit à son tour mon maître d’un ton ferme, après s’être levé avec quelque difficulté.
    Lui aussi franchit en claudiquant la distance qui nous séparait et me remit sa bille avec un clin d’œil complice, avant de s’en retourner. Avaient-ils tous deux perdu la tête pour se liguer ainsi en ma faveur, et de façon si transparente ? À quel jeu jouaient-ils ? Intérieurement, je bouillais de colère. Je me promis de leur toucher un mot au sujet de leur stupidité dès que l’assemblée serait terminée.
    —    Jaume de Montdidier, quel est ton choix ?
    —    Eudes de Saint-Agnan, moi aussi.
    Je soupirai d’aise à ce vote qui permettait à Eudes de me rejoindre dans le scrutin.
    —    Peirina de Gondemare, quel est ton choix ?
    —    Mon vote va à Eudes de Saint-Agnan, l’entendis-je dire avec soulagement, puisqu’elle lui donnait les devants trois voix contre deux.
    —    Raynal de Saint-Omer, quel est ton choix ?
    —    Véran de Raffle, répondit sèchement le templier.
    Pour une fois, j’étais heureux de l’antipathie qu’il me portait. L’avance d’Eudes se maintenait.
    —    Véran de Raffle, quel est ton choix ?
    Malgré moi, je m’assis sur le bout de ma chaise, anxieux. Il suffisait maintenant que Véran se déclare en faveur d’Eudes et cette triste comédie serait terminée. L’Ordre aurait un Magister digne de ce nom.
    —    J’appuie Jaume de Montdidier, répondit-il.
    Je me laissai retomber contre le dossier de mon fauteuil, soulagé. Ce n’était pas ce que j’avais prévu, mais mon supplice tirait à sa fin. Eudes voterait immanquablement pour un de ses frères d’armes et, comme il détenait déjà trois voix contre mes deux, le sort en serait jeté. Toutes les têtes se tournèrent anxieusement vers lui. Songeur, il se mordillait les lèvres.
    —    Eudes de Saint-Agnan, quel est ton choix ? s’enquit Esclarmonde.
    Un silence tendu enveloppa le temple. Eudes se leva et, à mon grand désarroi, vint vers moi pour me remettre sa bille.
    —    J’appuie Gondemar de Rossal, dit-il avant de retourner s’asseoir.
    —    Quoi ? fis-je à nouveau.
    —    Bien, fit Esclarmonde. Comptez vos billes. Eudes, combien en as-tu ?
    —    Trois, répondit le templier en montrant le creux de sa main.
    —    Véran ?
    —    Une.
    —    Jaume ?
    —    Une.
    —    Gondemar ?
    —    Trois, soupirai-je avec impatience.
    —    Nous procéderons donc à un second tour entre les deux principaux candidats, tous les autres membres de l’Ordre en étant exclus. Récupérez votre bille.
    Esclarmonde reprit le vote et le même rituel se déroula. Je redonnai ma voix à Eudes. Sans surprise, Ugolin et Montbard se déclarèrent à nouveau en ma faveur. Jaume et Peirina en firent autant pour Eudes. Comme de juste, Raynal, qui ne m’aimait pas, prit la part d’Eudes. Je m’autorisai un certain soulagement. Sans faute, Véran appuierait Eudes, lui aussi, maintenant que Jaume n’était plus éligible. Et même si Eudes votait ensuite pour moi, il serait vainqueur.
    C’était cependant sans compter sur Dieu, dont les voies sont aussi tordues qu’impénétrables, et qui n’avait de cesse de me tourmenter.
    —    Véran de Raffle, demanda la Parfaite, quel est ton choix ?
    Le templier se leva et prit son temps avant de répondre, visiblement hésitant. Puis il se dirigea vers moi pour me remettre sa bille.
    —    Je choisis Gondemar de

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