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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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nécessaires à ta fonction.
    —    Qu’il en soit ainsi ! s’écrièrent les autres.
    Elle posa ensuite l’abacus sur chacune de mes épaules, m’adoubant comme on le fait pour un chevalier. Puis elle me tendit la main et me releva.
    —    Prends la place qui te revient désormais, Magister de l’Ordre des Neuf. Occupe-la avec dignité. Fais honneur à la confiance qui a été placée en toi et souviens-toi toujours que tu n’es rien sans les autres.
    Je me tins devant le fauteuil dont j’étais indigne, sans oser m’y asseoir. Esclarmonde me tendit l’abacus. Je le pris à contrecœur et il me parut aussi lourd que toutes les pierres de la muraille. C’était aussi avec ce bâton de commandement que Ravier avait ordonné la mise à mort de Montbard et il m’inspirait un franc dégoût.
    —    Les ordres que tu donneras en le brandissant seront obéis sans hésitation ni faux-fuyant, sous peine de mort, dit-elle.
    Puis elle prit le sceau et le posa dans le creux de ma main.
    —    Comme le symbolisent les deux chevaliers qui figurent sur la boulle, tu es désormais celui qui doit préserver la Lumière des Ténèbres et le Bien du Mal.
    Lorsque je fus investi, bien malgré moi, des insignes du maître, Esclarmonde s’inclina devant moi, me causant un grand malaise.
    —    Non nobis, domine ! Non nobis, sed nomini tuo da gloria ! s’écria-t-elle d’une voix forte.
    —    Non nobis, domine ! Non nobis, sed nomini tuo da gloriam ! entonnèrent les autres à l’unisson, en s’inclinant de même.
    J’étais là, debout comme un imbécile, l’abacus dans une main et la boulle dans l’autre, ne sachant que faire. Devais-je décréter la fin de l’assemblée ? Y avait-il un quelconque rituel à suivre, quelque chose d’autre à accomplir dont j’ignorais l’existence ? En désespoir de cause, j’adressai à Esclarmonde un regard suppliant.
    —    Je crois que l’Ordre apprécierait quelques mots de son nouveau maître, dit-elle avec un sourire.
    —    Je, je ne suis pas digne de remplir cette charge, balbutiai-je, mais je. je ferai de mon mieux.
    Que pouvais-je ajouter ? Je ne pourrais jamais expliquer à quel point je ne méritais pas cette place, moi dont l’âme avait déjà été jugée impure par le Créateur lui-même.
    —    Deus vult 2 ... murmurai-je.
    —    Il est temps de décréter la fin de l’assemblée, maître, me conseilla Esclarmonde, car toi et moi avons encore à faire.
    Je cherchai les paroles à prononcer, mais ma mémoire semblait avoir été effacée telle une ardoise par une main malfaisante. À force de chercher, je finis par les retrouver.
    —    Mes frères et sœurs, dis-je d’une voix tremblante, dans une piteuse imitation de l’ancien Magister, la Lumière étant retournée aux Ténèbres, le moment est venu de clore cette assemblée. Ensemble, renouvelons le serment qui nous lie à la Vérité, maintenant et à jamais.
    Pendant que tous réitéraient leur engagement solennel envers l’Ordre, je posai la boulle sur le plateau près du fauteuil, plaçai l’abacus dans son socle et pris le maillet.
    —    Que la Lumière soit ! m’écriai-je en frappant le plateau.
    —    Qu’il en soit ainsi ! répondirent les autres.
    —    Que vienne l’heure de la Vérité !
    —    Qu’il en soit ainsi !
    —    Jusqu’à notre prochaine rencontre, à laquelle vous serez convoqués par les mots sacrés Secretum Templi, que rien de ce qui a été discuté ici ne franchisse vos lèvres, de crainte que cela ne soit sur votre dernier souffle.
    —    Que notre gorge soit tranchée si nous disons mot !
    —    Que Dieu nous vienne en aide dans l’accomplissement de notre tâche sacrée !
    —    Qu’il en soit ainsi.
    —    Qu’Il nous bénisse et nous mène tous à bonne fin.
    —    Qu’il en soit ainsi.
    —    Retournez donc dans le monde, mes frères et sœurs, mais ne soyez jamais en paix.
    Le temple se vida. En sortant, Montbard m’adressa un regard dans lequel je crus lire de la fierté, mais je fus incapable de lui répondre. Je restai seul avec Esclarmonde, affalé dans mon fauteuil, conscient que je venais de faire un pas important vers l’accomplissement de ma mission, mais écrasé par la responsabilité. Dieu était cruel. Je savais que, pour sauver mon âme, je devrais utiliser, sans scrupules, ceux que j’avais appris à respecter. L’absence de moralité m’avait mené

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