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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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gorger de sang. Le voyage à cette époque était
une lutte pour la vie et les rares imprudents qui l'avaient tenté, pour la
plupart marchands désespérés et jésuites emportés par leur zèle, succombaient
invariablement aux griffes des tigres ou à la morsure mortelle des énormes
poissons meng plu qui bondissaient des eaux tourbillonnantes pour s'accrocher
sans merci aux corps des hommes.
    À partir de Jelinga, un hameau de huttes primitives à six
jours en amont de Mergui, la rivière Tenasserim n'était plus navigable : le
voyageur devait louer des éléphants, des chars à bœufs et des litières pour
négocier la piste cahotante qui aboutissait, trois jours plus tard, à Phri
Phri, sur le golfe du Siam. De là, on pouvait trouver des bateaux qui
assuraient la traversée jusqu'à Ayuthia.
    Quand Samuel s'engagea ce matin-là sur la rivière
Tenasserim, il trouva le courant plus rapide qu'il ne s'y attendait : chaque
fois que le vent leur permettait de relever les avirons et d'utiliser les
petites voiles dont chaque pirogue était équipée, il était persuadé qu'ils
allaient se fracasser contre les rochers. Mais les rameurs siamois parvenaient
à manœuvrer : il s'habitua bientôt à ces embardées de dernière minute et à
    l'extraordinaire habileté avec laquelle ils bondissaient
soudain par-dessus le bord de leur embarcation pour patauger dans les
hauts-fonds et guider le canot dans un passage hérissé de rochers.
    Peu à peu, les marais bordés de palétuviers cédèrent la
place à une jungle touffue, à ce point peuplée de tigres et de rhinocéros qu'il
était impossible aux voyageurs de s'aventurer sur la rive. Le paysage,
toutefois, devenait d'heure en heure plus spectaculaire : il alternait bientôt
entre les belles forêts et les rivières baignées de soleil qui annonçaient la
présence sur la berge de villages entourés de murs.
    Ils aperçurent des oiseaux de la jungle aux couleurs
stupéfiantes, dont le superbe plumage chatoyait au soleil chaque fois que ses
rayons parvenaient à percer l'épais feuillage. En guise de distraction, il y
avait les continuelles bandes de singes qui gambadaient au bord de la rivière,
souvent pendus par une liane aux branches des arbres les plus basses qui
s'étendaient presque jusqu'au milieu de la rivière. Eux aussi étaient curieux
de voir les intrus. Depuis le rivage, de magnifiques daims tachetés les observaient
craintivement et des sangliers reniflaient sur leur passage.
    À l'approche de la nuit, ils jetèrent l'ancre au milieu
du courant à l'abri de quelques rochers. La rivière allait être leur demeure,
de nuit comme de jour : ils faisaient la cuisine et dormaient à bord de leur
petite embarcation. Samuel s'allongea sur le dos en contemplant le ciel
nocturne des tropiques — une savante tapisserie de lumières étincelantes — et
songea à sa mission. Bientôt, même le chœur nocturne des grenouilles, des sauterelles,
des criquets et des cigales ne parvint plus à le détourner de ses pensées.
    Était-ce cette fois la chance de sa vie, le moment qu'il
attendait depuis toujours ? De son côté, tout était paré. Le reste dépendait
d'un homme qu'il n'avait jamais rencontré : un Grec au service des Anglais à
Ayuthia. Son frère George, généralement avare de compliments, avait quand même
fait l'éloge de cet homme : Samuel pouvait donc raisonnablement espérer que
tout serait également prêt de son côté. Mais
    pourquoi n'y avait-il eu personne à Mergui pour
l'accueillir? Peut-être était-il en route en ce moment même et allait-il les
rencontrer sur la rivière. Il s'était assuré en effet que c'était la seule
route utilisable pour traverser l'isthme. Et comme il était hors de question de
voyager de nuit, les deux groupes avançant chacun dans une direction opposée ne
risquaient guère de se manquer.
    Mais il n'avait rencontré personne qui ressemblât, même
de loin, au signalement dont il disposait. A un moment, une fille magnifique,
spectacle assez incongru au cœur de cette jungle, les avait croisés, entourée
d'une escorte de coolies et de guides. Ils avaient échangé au passage un bref
sourire et il avait senti son cœur battre plus vite en se disant qu'il y aurait
certainement à Ayuthia d'autres beautés semblables, disposées à remonter le
moral d'un voyageur fatigué.
    Bon sang, jura-t-il, il espérait bien que les
marchandises seraient disponibles. Il ne pourrait rester plus d'un jour ou deux
à Ayuthia : sinon on

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