Le faucon du siam
rencontré!
— Restez auprès de moi, Thomas, et, je vous le
promets, vous aurez toutes les richesses que votre père n'a jamais possédées.
Si tout va bien, les Ivatt ne connaîtront plus la pauvreté. Dans un jour ou
deux, je vous enverrai à Mergui avec une escorte. Bumaby et White devraient
être de retour d'ici un mois. Il vous faudra le temps de vous acclimater.
— Je ne sais pas si le Palais va me libérer,
Constant. Je suis très demandé. Mais dites-moi, demanda-t-il avec impatience,
que fait donc Sunida ici ? Elle astique votre boîte à bétel ? »
Phaulkon éclata de rire. « Entre autres choses. Vous
approuvez ?
— Je pense que c'est la plus belle créature qui soit
au monde. Si je n'étais pas tellement pris moi-même au palais...
— Vous aurez l'occasion de la voir davantage,
Thomas, ne vous inquiétez pas. Elle est ici à titre permanent.
— La concubine du mandarin, hum ? Y en aura-t-il
d'autres ?
— Peut-être, mais ce ne sont pas vos affaires. Vos
affaires, c'est de vous préparer à partir pour Mergui. Là-bas, votre contact
sera le père Francisco, un prêtre portugais. Vous le trouverez à la mission
catholique. C'était un grand ami du capitaine Alvarez, que Dieu ait son âme!
Mentionnez au père le nom d'Alvarez ainsi que le mien. Je ne l'ai jamais
rencontré, mais il saura qui je suis. Il vous aidera à trouver une petite
jonque pour transporter l'équipage de White le moment venu. Tenez-la prête et
attendez. Et promettez au bon père un beau cadeau sur les bénéfices de
l'expédition en Perse. Alvarez me disait que dom Francisco est toujours en
quête d'argent pour améliorer sa petite église.
— Qu'est-il arrivé à la factorerie, Constant? J'ai
entendu des histoires...
— J'ai cherché à vous joindre pour vous le raconter,
Thomas. La factorerie a brûlé. Potts est en prison pour incendie volontaire. Il
était ivre à ce moment-là.
— Bonté divine ! Est-ce que cela veut dire que nous
sommes sans travail ? Est-ce que je suis libre alors de travailler pour le Siam
? J'adore ce pays. Si jamais il y a une possibilité comme assistant de
mandarin, vous me préviendrez?
— Aidez d'abord Richard à rapporter le butin à
Ayuthia, et nous verrons ce que nous pourrons faire pour vous. Vous êtes
actionnaire, n'oubliez pas. Et vous pourrez dire à White de venir aussi. Je
suis maintenant mieux placé pour l'aider et je crois que je vais avoir besoin
de lui. Le reste de son équipage devra rester à Mergui en attendant de trouver
un navire qui les ramène à Madras. Je ne voudrais pas qu'ils aillent bavarder.
Et ne dites rien à White ni à Burnaby de mon nouveau titre. Du moins pas avant
d'avoir quitté Mergui. Je ne veux pas que la nouvelle parvienne à Madras plus
vite qu'il n'est nécessaire.
— Que va-t-il advenir de Potts ?
— Il va falloir le garder en prison le plus longtemps
possible. Plus nous pourrons retarder son retour à Madras, mieux cela vaudra
pour nous. Mais venez donc avec moi au ministère, Thomas. Nous pourrons
bavarder en chemin. »
Ivatt se prosterna. « Puissant Seigneur, moi, un cheveu
bouclé sur votre tête, je reçois vos ordres. »
32
Le père Bartolomé Vachet approchait de la maison, rempli
d'appréhension. C'était, après tout, la mission la plus importante qu'il
accomplissait depuis dix ans qu'il était au Siam. Et c'était lui que l'on avait
choisi, de préférence à tous les autres jésuites, pour s'en acquitter. Comment
Constantin Phaulkon, le mandarin récemment nommé, allait-il réagir à ses
propositions? se demanda-t-il. Le père ne l'ignorait pas, Phaulkon était un
homme obstiné, séducteur et ambitieux. Il savait ce qu'il voulait et, songea
Vachet non sans quelque tristesse, il avait vis-à-vis de la religion
une attitude plutôt désinvolte. Évidemment, dans cette
affaire cela pourrait représenter tout à la fois un avantage et un
inconvénient.
A la porte, le prêtre fut accueilli par un serviteur qui
le fit entrer dans la maison où une grande et belle Siamoise l'accompagna
jusqu'au salon. Sans doute l'une des concubines de Phaulkon, se dit-il. On
racontait qu'il avait un harem, tel un riche Siamois : maintenant qu'il était
mandarin, son harem allait sans doute s'agrandir en proportion de sa nouvelle
dignité. Cela semblait être une question d'honneur chez les mandarins
d'entretenir plusieurs concubines ou secondes épouses, comme on préférait les
appeler : ceux qui ne le faisaient pas étaient
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