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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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simultanément.
    « Ah, mon cher Constant, dit le prêtre en se levant pour
saluer son hôte. Ou bien devrais-je maintenant vous appeler mon Seigneur
Phaulkon ? Puis-je être le premier à vous féliciter?
    — Le premier, difficilement, je le crains, mon père, mais
cela constitue néanmoins un supplément bienvenu à la liste », répondit Phaulkon
d'un ton fort aimable. Il avait toujours apprécié le père Vachet. C'était
habile de la part des Jésuites de l'envoyer pour se tenir au courant de ce qui
se passait dans les coulisses toujours mouvantes du pouvoir.
    « Mais au moins le premier de notre humble petit ordre,
je pense? Je serais mortifié qu'un autre frère m'ait coiffé au poteau. » Et
aussi très surpris, ajouta le prêtre intérieurement. Les Jésuites avaient
longtemps délibéré sur la meilleure façon d'aborder Phaulkon et, même si les
avis divergeaient quant à la méthode, ils avaient été unanimes à décider
d'envoyer le père Vachet.
    « Puis-je vous servir du thé, mon Père ? » Sunida, tenant
un petit plateau d'argent, s'était agenouillée à quelque distance de son
fauteuil : il ne convenait pas à une femme de trop s'approcher d'un prêtre.
    « Je vous remercie, mon enfant », dit-il, la dévisageant
avec bonté de ses yeux gris-bleu. Il la regarda remplir sa tasse puis reculer
gracieusement en s'incli-nant. Phaulkon s'installa dans un fauteuil en face du
jésuite et l'observa. Il aurait fait un grand flibustier, songea-t-il. Il était
bel homme, avec une crinière de cheveux bruns qui grisonnaient aux tempes.
Phaulkon ne pouvait s'empêcher de penser que plus d'une dame avait dû regretter
qu'il eût embrassé la carrière ecclésiastique.
    « Mais, mon Père, à quoi dois-je l'honneur de votre
visite? Je suis sûr que vous avez d'autres motifs que celui de simplement me
féliciter. » Il eut un sourire rusé. « Je vous connais, vous autres Jésuites. »
    Vachet se mit à rire. « Vous lisez dans les pensées, mon
ami. Pas étonnant que l'on vous ait nommé mandarin : les voyants sont très
appréciés à la Cour.
    — Je n'ai pas besoin d'être voyant pour lire dans
l'esprit d'un jésuite, répliqua Phaulkon en riant à son tour. Surtout un
jésuite qui a des prunelles d'un bleu aussi clair que les vôtres, mon Père.
    — Monsieur, vous m'épargnez de longs préambules.
J'en viendrai donc droit au fait. » Le jésuite prit un air sérieux et regarda
Phaulkon droit dans les yeux. « Monsieur Constant, je n'ai pas besoin de vous
dissimuler que notre grande ambition, notre véritable raison d'être dans ce
pays, c'est de parvenir enfin à convertir Sa Majesté, le roi Naraï de Siam. »
11 s'arrêta tandis que Phaulkon le dévisageait en silence. Il ne va quand même
pas me demander d'accomplir moi-même ce miracle? se demanda le nouveau
mandarin.
    « Voyez-vous, mon cher Constant, je suis persuadé, tout
comme mes collègues du séminaire, que, si Sa Majesté venait à adopter la foi
chrétienne, ses sujets suivraient sans doute son exemple, tant ils lui sont
dévoués. » La foi faisait briller les yeux du prêtre. « Et nous ne parlons pas
de milliers, mais de millions d'âmes accédant ainsi au salut. » Ces chiffres
semblaient le griser. « Sans parler des États vassaux. Ce serait le plus grand
coup de notre histoire. » Il se tut soudain, baissant la tête, comme si cette
seule idée était trop impressionnante pour que l'on pût même l'imaginer.
    Phaulkon s'apprêtait à répliquer que le père rêvait s'il
croyait qu'il y eût la moindre possibilité d'obtenir une telle conversion, mais
son instinct l'arrêta net. Son flair politique lui recommandait d'écouter. On
allait manifestement lui réclamer son assistance, sous une forme ou sous une
autre, et tout homme qui réclame un service est généralement prêt à vous en
rendre un en retour. Depuis deux jours qu'il avait été élevé au mandarinat, il
avait beaucoup réfléchi aux problèmes politiques et militaires, et il y avait
une mission importante que les Jésuites français pourraient mener à bien pour
lui.
    « Ce serait en effet un coup extraordinaire », dit-il
l'air impressionné.
    La remarque de Phaulkon parut ramener Vachet à la
réalité. « Oui, mon ami, et qui n'est pas aussi invraisemblable que vous
pourriez le penser. En tout cas, pas avec votre aide.
    — Mon aide? demanda Phaulkon feignant la surprise.
    — Il existe déjà quelques mandarins chrétiens. Pas
beaucoup, il est vrai : six, pour être

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