Le feu de satan
coup un petit mendiant surgit à ses côtés, une piécette à la main, un parchemin dans l’autre, et se mit à jacasser. Amusé, Corbett se pencha vers lui.
— Que dis-tu, mon garçon ?
Le sourire s’élargit sur la maigre frimousse de l’enfant qui remit brusquement le parchemin à Corbett. Celui-ci le déroula et le lut tandis que le gamin décampait. Corbett sentit son sang se glacer dans ses veines malgré le chaud soleil et le tumulte environnant.
SACHE QUE CE QUE TU POSSÈDES T ’ ÉCHAPPERA ET NOUS REVIENDRA . SACHE QUE NOUS ALLONS ET VENONS COMME LE VENT ET QUE TU NE PEUX NOUS ARRÊTER . SACHE QUE NOUS TE TENONS ET NE TE LÂCHERONS PAS AVANT D ’ AVOIR RÉGLÉ NOS COMPTES .
Il étudia le gribouillis. Les phrases n’étaient pas dans le même ordre, mais la menace, elle, était bien réelle. Il leva les yeux : l’enfant avait disparu, impossible de le retrouver. Dissimulé dans la foule, l’assassin les avait observés et suivis pas à pas. Le templier n’avait pas agi seul, il n’avait été qu’un simple pion et la partie ne faisait que commencer.
CHAPITRE III
Dans les appartements privés du palais épiscopal. Édouard d’Angleterre était allongé dans un grand cuveau en bois, entouré de draps de bougran pourpre. Des armées de serviteurs munis de seaux d’eau versaient l’eau brûlante qu’ils agrémentaient de pétales d’églantine et de brins de marjolaine. Bras ballants de chaque côté, le roi délassait ses membres endoloris dans l’eau savonneuse et parfumée. Il jeta un regard agacé à Corbett, assis près de John de Warrenne. Le magistrat s’efforçait de réprimer son amusement, non pas qu’Édouard se départît de sa dignité royale en prenant un bain, mais parce que l’archevêque, propriétaire du cuveau, avait eu la fatuité d’y faire peindre son blason et des croix.
— Que voyez-vous là de si divertissant ? gronda le monarque. Les templiers m’ont promis un prêt de cinquante mille livres esterlin, moi, j’ai fait serment de repartir en croisade et vous venez me dire que ces gredins essaient de me tuer !
— Ce n’était pas un prêt, rétorqua Corbett, mais un don. Vous vous croiserez à nouveau, Sire, quand ce cuveau chantera le Te Deum, sans vouloir vous offenser.
Édouard se leva en s’ébrouant et sortit du bain. Le comte de Surrey lui passa un vêtement en laine autour des épaules.
— Voilà qui était bien plaisant, déclara le souverain.
Dommage qu’il me faille attendre la mi-été pour en prendre un autre !
Il s’approcha du clerc à pas feutrés en secouant ses cheveux mouillés.
— Vous vous baignez toutes les semaines, n’est-ce pas ?
— Un médecin arabe, qui avait étudié à Salerne, m’a affirmé que cela ne me ferait aucun mal.
— Cela vous amollit ! grommela Édouard.
Il alla à un dressoir et emplit de vin des hanaps incrustés d’or qu’il tendit d’autorité à Corbett et au comte.
— Donc, ce templier m’a décoché deux flèches avant de partir en fumée ?
— Apparemment, Sire, répondit Corbett. Mais il devait y avoir un autre individu, qui m’a suivi dans York et m’a fait remettre ces menaces de mort.
— Mais pourquoi les templiers voudraient-ils m’expédier ad patres ? Cette attaque a-t-elle un lien avec le malheureux que les deux bénédictines ont trouvé, en train de brûler, sur la route d’York ?
Il prit une profonde inspiration.
— Vous m’avez l’air encore frais et dispos, Corbett. J’aimerais que vous vous rendiez à Framlingham.
Il enleva une de ses bagues et la déposa sur la paume du magistrat.
— Montrez-la à Jacques de Molay. Il la reconnaîtra.
Corbett admira l’améthyste qui étincelait sur l’anneau d’or.
— Les templiers l’ont offerte à mon père, expliqua le roi. Vous me la rapporterez, bien sûr, mais d’ici là, elle vous conférera l’autorité nécessaire. Recherchez la vérité, Corbett ! Servez-vous de votre flair et de votre cervelle pour fouiner partout ! Débusquez l’assassin, moi je me charge de l’occire !
— Est-ce tout, Sire ?
— Que voulez-vous de plus ? ricana Édouard. Que le cuveau de l’archevêque vous chante le Te Deum ? Ah oui ! s’écria-t-il alors que le clerc s’inclinait et se dirigeait vers le seuil, je souhaite que vous restiez à Framlingham jusqu’à ce que cette affaire soit entièrement élucidée. Cela dit, en témoignage de mon amitié envers Jacques de Molay,
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