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Le feu de satan

Le feu de satan

Titel: Le feu de satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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blanchis sous le harnois qui se conduisent en rustres.
    Il s’inclina devant Jacques de Molay.
    — Maître, veuillez pardonner mon retard.
    — Je vous en prie, dit celui-ci avec le sourire. Nous vous connaissons bien, vous et vos livres, frère Odo, et vous avez raison : nous devrions faire montre de plus de courtoisie.
    Un marmiton apporta un tranchoir {23} pour le nouveau venu. Odo posa les coudes sur la table et Corbett retint une exclamation. L’archiviste n’avait pas de main gauche, mais, à la place, un pilon de bois poli. Legrave, assis en face du magistrat, se pencha vers lui.
    — Nous supportons tout de frère Odo, proféra-t-il dans un murmure feint, en souriant au vieil homme qui fit mine de le foudroyer du regard. Il n’aime pas qu’on le dise, mais c’est un héros, un véritable paladin.
    — C’est vrai ! renchérit Branquier d’une voix de stentor. Pourquoi, à votre avis, tolérons-nous ses sermons et ses déplorables manies ?
    Corbett perçut la profonde admiration, voire la tendresse, qu’ils éprouvaient tous pour leur archiviste.
    — Dans son jeune temps, expliqua Symmes, frère Odo fut un preux que même Arthur, Roland ou Olivier auraient été fiers de compter parmi leurs pairs.
    — Oh, cessez !
    Le vieillard fit un petit geste de sa main valide, bien que, de toute évidence, il goûtât fort ces plaisanteries bon enfant.
    — Il a combattu à Saint-Jean-d’Acre, poursuivit Legrave, comme nous tous, mais lui a défendu la brèche ouverte dans le rempart. Il fut le dernier à partir. Racontez, mon frère, racontez à nos invités comment cela s’est passé.
    Corbett comprit que c’était un rituel consacré par le temps, mais qu’il y avait une différence, cette fois : ces hommes brûlaient de lui démontrer qu’en dépit des rumeurs et des accusations sournoises, ils avaient été, autrefois, les ardents défenseurs de la foi, des héros, des saints en armure. Les autres templiers joignirent leur voix à celle de Legrave. L’archiviste but alors une grande rasade de vin et leva son moignon.
    — J’ai perdu ma main à Saint-Jean-d’Acre, commença-t-il. Oui, j’y étais quand notre place forte est tombée en mars 1291.
    Il regarda les quatre commandeurs :
    — Tout comme vous.
    — Nous avons rompu les rangs et reculé, nous, déclara Legrave, yeux baissés. Nous avons fui la ville, le bouclier dans le dos, le visage tourné vers la mer.
    — Non, corrigea doucement Odo. Il fallait battre en retraite. Je vous ai répété des centaines de fois qu’il n’y a aucune gloire à mourir, aucun honneur à être une dépouille ensanglantée, aucune fierté à être fait prisonnier.
    — Vous, vous n’avez pas fui, souligna Branquier.
    — Mes frères, intervint Molay en tapotant la nappe du manche de son couteau, vous avez tous un avantage sur moi, en vérité, car moi je n’y étais pas. Je n’ai jamais subi la chaleur brûlante des déserts de Palestine, je n’ai jamais entendu le cri de guerre des mamelouks qui glace le sang dans les veines, je n’ai jamais connu la fureur des combats. Ce n’est pas notre faute si Saint-Jean-d’Acre est tombé, c’est celle de...
    Il croisa le regard de Corbett et n’acheva pas sa phrase. Mais il leva au ciel des yeux remplis de larmes.
    — Racontez-le encore une fois, Odo, souffla-t-il. Racontez-nous la chute de la cité.
    — Le siège débuta en mars...
    L’archiviste s’appuya au dossier, paupières closes, et retraça des scènes terribles d’une voix douce et grave.
    — Comme vous ne l’ignorez pas, la ville était condamnée. Pourtant, la foule s’amassait dans les rues et l’on festoyait tard dans les tavernes qui ne désemplissaient pas. Quant aux auberges, elles offraient, à l’étage, des beautés syriennes et grecques à foison. La frénésie s’empara de la cité lorsque les hommes du sultan commencèrent à l’encercler.
    Frère Odo rouvrit les yeux.
    — Comment se fait-il que les gens sur le point de mourir éprouvent l’envie de danser encore plus vite ? Sir Hugh, vous êtes-vous jamais trouvé au coeur d’une bataille ?
    — Oui, des embuscades au pays de Galles et des affrontements dans la bruyère humide des marches écossaises, mais rien en comparaison de vous, frère Odo.
    Corbett observa les commandeurs.
    — Loin de moi l’idée de condamner un homme pris dans le feu du combat. Je ne sais pas, moi-même, comment je me comporterais alors.
    Odo lui porta

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