Le feu de satan
bouche fermement serrée. Au-dessus d’yeux qui ne cillaient jamais, des cheveux noirs, coupés ridiculement ras, entouraient un toupet hérissé comme un roncier.
— Oui ? dit Corbett.
— Un visiteur, Sir Hugh.
— Ma venue vous surprendrait-elle ? aboya l’étranger qui, sans gêne, entra dans la pièce en bousculant presque Corbett, avant de claquer la porte au nez du jeune templier.
Puis il s’immobilisa et, bien planté sur ses jambes courtaudes, glissa les doigts dans son baudrier. Il enleva sa cape marron foncé et la lança sur une chaise.
— Par le cul du diable ! pesta-t-il en claquant des lèvres. J’ai le gosier sec comme le coeur d’un avare !
— Ce sera pire si vous ne vous expliquez pas.
Ranulf bondit sur ses pieds.
— Qui êtes-vous ?
— Roger Claverley, shérif adjoint d’York.
Le nouveau venu prit, dans son escarcelle, un parchemin qu’il fourra dans les mains de Corbett.
— Voici le mandat signé par le maire et le shérif. J’ai ordre de vous assister.
Corbett se mordilla les lèvres pour ne pas sourire. Plus il observait le face-à-face entre Ranulf et Claverley, plus ce dernier lui rappelait le mâtin qui trottinait constamment derrière oncle Morgan, le parent de Maeve. Le chien n’appréciait guère Ranulf, qui le lui rendait bien.
— Apporte du vin à notre ami, Ranulf, ordonna Corbett en étudiant le mandat. C’est un officier de haut rang qui, d’après ce document, peut nous fournir de précieux renseignements sur les pièces d’or, entre autres.
Corbett reposa le mandat sur la table et tendit la main à Claverley. Celui-ci la serra à l’écraser.
— Soyez le très bienvenu, Roger, déclara Corbett en réprimant une grimace de douleur.
L’autre se détendit, la trogne adoucie par un sourire chaleureux.
— Je m’entends surtout à attraper les truands d’York, affirma-t-il avec dignité. Je les connais tous et ils me connaissent tous. Comme le bon pasteur, mais à l’envers : là où ils vont, je les suis.
Corbett lui indiqua un siège et, du regard, enjoignit à Ranulf de rester à l’écart. Claverley dévisagea d’abord Maltote qui, comme d’habitude, bayait aux corneilles, puis Ranulf.
— Je parierais ma solde du mois que tu as tâté de la prison, mon garçon, déclara-t-il. Je flaire les gibiers de potence de loin.
— En effet, j’ai été à Newgate, répliqua sèchement Ranulf. Coupe-bourses, faux éclopés de guerre, bélîtres et coquillards étaient mes compagnons {25} . Mais dites-moi, Claverley, ce caractère d’ours mal léché, l’avez-vous reçu de naissance ou vous est-il venu avec les insignes de votre rang ?
Claverley s’avança soudain, la main tendue. Ranulf la lui serra tandis qu’un sourire amical illuminait à nouveau les traits du shérif adjoint.
— Loin de moi l’idée de t’insulter ! Moi aussi, j’ai été l’hôte des prisons. Après tout, les braconniers font les meilleurs gardes-chasses. Bien, Sir Hugh, on m’a ordonné de vous prêter main-forte. J’obéirai. Je n’irai pas par quatre chemins : si je vous suis de quelque utilité, mentionnerez-vous mon nom au roi ?
Corbett ne put retenir un sourire devant le franc-parler de ce petit homme ambitieux.
— Je ne vous oublierai pas, Messire Claverley.
— Eh bien, voilà. D’abord, nous avons retrouvé une partie du cadavre en état de putréfaction, le bas du corps qu’avait aperçu, sur le cheval emballé, Thurston, le guide des bonnes soeurs. Ce sont des chiens qui l’ont déterré au cours d’une chasse organisée par certains jeunes marchands.
— Et le cheval ?
— Aucune nouvelle.
— Rien d’autre ?
— Non, à part l’arbalétrier. C’est moi qui ai été chargé d’exposer sa dépouille au Pavement. Je l’ai mise dans une belle cage en fer avec une pancarte proclamant que tel était le sort réservé aux traîtres et aux régicides.
— Et ?
— Et ce matin, la pancarte avait disparu. À la place, on avait accroché ceci avec du fil de fer.
Il tendit un parchemin.
— Ô Seigneur ! gémit Corbett en le lisant.
SACHE QUE CE QUE TU POSSÈDES T ’ ÉCHAPPERA ET NOUS REVIENDRA . SACHE QUE NOUS ALLONS ET VENONS COMME LE VENT ET QUE TU NE PEUX NOUS ARRÊTER . SACHE QUE NOUS TE TENONS ET NE TE LÂCHERONS PAS AVANT D ’ AVOIR RÉGLÉ NOS COMPTES .
Le garde du Sceau privé brandit les menaces de mort.
— Les phrases ne sont pas dans le même ordre, mais c’est bien le message des
Weitere Kostenlose Bücher