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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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faut qu’il m’entende avant de prendre sa décision.
    Les grands yeux dorés s’attardèrent un instant sur le visage assombri du jeune homme. Il comprit que, sans deviner le fond de sa pensée, elle était inquiète. Alors il lui sourit.
    — … Je t’en prie, Sitapanoki, dis-lui que j’ai besoin de le voir, c’est important… pour nous tous.
    Il refusa de s’expliquer davantage jugeant qu’il était inutile de l’effrayer en lui laissant voir le fond de sa pensée et le soupçon qui y grandissait : la troisième tentative d’enlèvement pourrait peut-être réussir quand l’Iroquois saurait le village privé de ses guerriers et aux mains de son allié Hiakin…
    C’est ce qu’il fit entendre au sachem quand débarrassé de sa tunique rouge mais le visage fermé il se courba pour franchir l’entrée de la hutte d’où, aussitôt, Nemissa disparut.
    — Cornplanter ne souhaite t’emmener avec lui qu’afin de t’éloigner de tes campements, affirma-t-il audacieusement. Tu seras auprès de lui, sous ses yeux. Alors il pourra envoyer quelques-uns de ses guerriers dans ton village réduit aux femmes et aux vieillards pour y prendre ce qu’il t’envie le plus. Tu dois te méfier de lui, Sagoyewatha, car il est jaloux et il te hait.
    Le visage impassible du chef Sénéca ne révéla rien des pensées qui agitaient son esprit mais les yeux aigus de Gilles remarquèrent que ses poings se serraient imperceptiblement cependant que la belle voix grave, inaltérée, murmurait presque négligemment :
    — C’est là ce que t’a chargé de m’apprendre le général Washington ? Que lui importent les biens et même l’honneur d’un ennemi ? Je suis un Indien et il est un gentilhomme de Virginie…
    — On peut respecter et même admirer un ennemi quand il a ta noblesse. Le Général déplore que toi et les tiens vous dressiez contre lui alors qu’il lutte pour la liberté d’une terre où vous êtes nés l’un et l’autre. Pour moi, qui viens d’un pays dont l’Angleterre est l’ennemie héréditaire, il est difficile de comprendre votre lutte entre Américains, quelle que soit la couleur de la peau. Pourquoi donc choisis-tu d’être l’homme de l’Angleterre… au point de porter son habit ?
    — Les Hommes aux Habits Rouges nous traitent en alliés et en égaux. Ceux que l’on appelle les colons nous considèrent comme des bêtes sauvages. Pourtant, quand leurs ancêtres ont traversé les grandes eaux pour poser le pied sur cette terre ils ont trouvé en nous des amis, pas des ennemis. Ils ont raconté qu’ils avaient quitté leur pays aux mains des mauvais hommes et qu’ils venaient ici pour jouir de leur religion. Nous les avons pris en pitié. Nous avons pourvu à leurs demandes et ils se sont assis parmi nous. Nous leur avons donné du maïs et de la viande… en échange, ils nous ont donné du poison… l’eau de feu qui brûle et qui, en effet, nous change en bêtes. Quand tu retourneras vers les tiens… si je te rends la liberté, dis à ton Général que Sagoyewatha n’a pas besoin de ses avis, qu’il sait se garder et qu’en outre il méprise les voix doucereuses qui murmurent sournoisement afin de séparer le frère du frère.
    — Ainsi, tu es décidé à suivre Cornplanter ?
    — Je viens de te dire qu’il est mon frère…
    — C’est faux ! Et il n’est pas non plus un véritable Indien. Sais-tu qu’il est né d’un colon ? Que son père vit encore à Fort Plain et qu’il se nomme John O’Bail ? Si tu l’ignores, le Général lui le sait et c’est pourquoi il m’a envoyé vers toi pour te dire : « Grand Chef, prends garde à l’homme que tu crois de ton sang et qui ne l’est qu’à moitié car, bien qu’il n’y ait aucun droit, il rêve de dominer les Six Nations Iroquoises. Pour y parvenir il est prêt à écraser tous les autres chefs, toi le premier.
    Pour la première fois, une flamme de colère s’alluma dans le regard de Sagoyewatha et sa voix trembla.
    — Ta langue siffle comme celle du serpent ! Si ambitieux que soit Cornplanter il ne peut espérer vaincre le plus grand de nous tous, le chef mohawk Thayendanega ! Alors qu’a-t-il à faire de moi qui suis moins puissant que lui ?
    — Ton chef mohawk possède-t-il la plus belle des femmes ?…
    Un instant, Gilles crut que le Sénéca allait lui sauter à la gorge mais la puissance sur lui-même de cet homme était exceptionnelle. Comme naguère au poteau du supplice le

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