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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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fenêtres d’une maison voisine.
    — Je ne vous aurais jamais reconnue, fit-il, sidéré. Peut-être parce que vous ne m’avez jamais regardée.
    C’était vrai. Depuis qu’il l’avait sauvée des griffes du gerfaut, elle n’avait été à ses yeux qu’une ombre grise, un paquet de hardes malpropres, sommé d’un tas de chaume d’un jaune sale, quelque chose de misérable tenant le milieu entre la chèvre et le tas de fumier en admettant que l’un ou l’autre pussent être doués de parole. Et maintenant il avait devant lui une mince jeune fille dont la robe noire faisait ressortir la finesse de la taille. Les mains qui sortaient des manchettes de toile blanche et le visage sous le bonnet bien repassé étaient peut-être un peu foncés par les intempéries et le trop grand soleil mais les yeux clairs avaient la couleur des fleurs de lin et l’épais chignon massé dans le cou semblait fait de soie pâle. L’image était si agréable que Gilles lui sourit.
    — Je suis impardonnable, Gunilla. Vous êtes réellement charmante…
    Le compliment ne la fit pas sourire. Elle eut même un haussement d’épaules agacé.
    — Gardez vos compliments ! Ce n’est pas pour les entendre que je vous cherchais, c’est parce qu’elle me l’a demandé. Elle veut vous voir.
    — Elle ?
    — Ne faites pas l’imbécile ! Qui voulez-vous que ce soit ? Sitapanoki, bien sûr ! Elle ne peut pas sortir dans le village, le général Washington lui a demandé de ne pas se montrer. Et elle m’a fait promettre de vous ramener. Venez-vous ?
    — Je vous suis. Où allons-nous ?
    — On nous a confiées à la femme du pasteur. C’est une femme généreuse quoique d’idées austères. Elle m’a accueillie comme si j’étais sa fille mais elle n’était pas trop contente d’avoir une Indienne sous son toit…
    — Et vous prétendez faire entrer un homme dans cette maison ? Mais elle va me jeter dehors !
    — Elle n’en saura rien. Mrs Gibson est de ces femmes qui ont des solutions pour chaque problème. Elle a installé Sitapanoki dans le bâtiment où se trouve la salle d’ouvroir sous prétexte du respect dû à son rang… d’ailleurs celle-ci refusait de vivre sous le même toit que le prêtre du Grand Esprit Étranger. Cela se trouve au fond du verger. Personne ne vous verra entrer.
    — Que me veut Sitapanoki ?
    Gunilla s’était remise à marcher devant Gilles. La question qu’il posait était anodine, pourtant il vit se raidir le dos mince de la jeune fille qui, brusquement, se retourna les yeux flambants de colère.
    — Je n’en sais rien et je ne veux pas le savoir ! Je suis venue vous chercher parce qu’elle m’a menacée d’y aller elle-même si je ne le faisais pas… mais je voudrais la voir au diable, cette Indienne ! C’est un démon, comme ses frères !
    Et, sans vouloir s’expliquer davantage, Gunilla ramassa ses jupes et se mit à courir vers le bout du village, suivie du Breton qui fut bien obligé d’adopter la même allure. Il connaissait la maison du pasteur Gibson mais il ne savait pas quel chemin souhaitait emprunter son guide. Elle lui fit en effet contourner l’enclos, franchir une haie de cornouillers et finalement s’arrêta devant un étroit escalier de bois.
    — Vous n’avez qu’à monter. C’est là-haut ! fit-elle en désignant une fenêtre éclairée. Vous pourriez repartir par le même chemin. Adieu !
    Elle se fondit dans les ombres du verger tandis que Gilles, le cœur battant, escaladait quatre à quatre les marches fragiles. Sous sa main impatiente, la porte sembla s’ouvrir d’elle-même révélant une chambre claire et simple, pourvue de meubles rustiques et d’attendrissants rideaux à volants de mousseline qui lui donnaient un aspect virginal. Seul, le feu qui brûlait dans la cheminée l’éclairait et il ne vit pas tout de suite Sitapanoki. C’est seulement en se tournant vers le lit dressé dans le coin le plus éloigné de la cheminée qu’il l’aperçut. Elle était couchée, les couvertures remontées jusqu’au menton et semblait dormir.
    Il s’approcha doucement, maudissant les lames du parquet de sapin qui criaient sous son poids et resta un moment à la contempler, retenant son souffle, jouissant avidement de sa beauté.
    La masse de ses cheveux défaits entourait la jeune femme d’un halo sombre dans lequel son visage brillait comme une fleur d’or. Ses longs cils mettaient une ombre douce sur ses joues que la

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