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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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plia. Le sol recouvert d’un candide tapis au crochet, œuvre de la sage Mrs Gibson, monta vers eux avec la chaleur des flammes. La chair de l’Indienne était brûlante mais les mains de Gilles étaient glacées. Comme une petite bête sauvage, elle lui mordit doucement la bouche puis le repoussa, s’agenouillant auprès de lui.
    — Laisse-moi t’enlever ces habits ridicules ! Tu es tellement plus beau sans eux.
    Impatiente de l’étreindre encore, il arrachait son habit, son long gilet blanc, s’attaquait à la cravate mais elle s’arrêta.
    — Non ! Je veux le faire moi-même. Nous autres, filles de la forêt, on nous apprend comment faire durer très longtemps le plaisir du maître que nous nous choisissons.
    — Aussi bien que vous savez prolonger les tortures ? fit Gilles en riant.
    Mais elle demeura grave.
    — C’est la même chose. L’amour est une mort lente dont on renaît sans cesse. Le plaisir comme la douleur doit être un paroxysme…
    Devant le feu qui lui aussi se mourait ce fut, entre leurs deux corps, un jeu subtil, cruel et délicieux. Avant de s’ouvrir enfin pour lui, vaincue et délirante, Sitapanoki conduisit, avec une science raffinée, le désir de son partenaire jusqu’aux limites d’une souffrance dont il se délivra dans un râle de fauve auquel fit écho le cri haletant de la femme. Puis tout disparut…
    Gilles s’éveilla le premier du bienheureux anéantissement de l’amour et, doucement, se dégagea. Le feu n’était plus que braises. Il y posa quelques bûches et le ranima. De hautes flammes claires jaillirent enveloppant de lumière la femme endormie. La sueur traçait de petits ruisseaux brillants sur sa peau mate. D’un doigt léger, Gilles suivit le tracé de l’un d’eux qui se perdait dans l’ombre des cuisses entrouvertes… Du fond de son sommeil superficiel Sitapanoki sentit la caresse, gémit, se tendit vers elle sans ouvrir les yeux.
    Le désir s’enfla de nouveau dans les reins du jeune homme mais, durant de longues minutes, il demeura à genoux, jouant comme d’une harpe de ce corps féminin qui haletait et se soulevait sous ses doigts, jouissant de ses plaintes jusqu’à ce que, se relevant d’une brusque torsion, la femme vint s’abattre sur lui, l’enveloppant de toute sa chair et de l’odeur poivrée de ses cheveux et manquant de les jeter dans le feu tous les deux. Alors, Gilles l’emporta jusqu’au lit pour s’y anéantir avec elle dans la blancheur des draps…
    Trois fois encore ils firent l’amour sans parvenir à se rassasier l’un de l’autre. Leurs corps semblaient avoir été créés de tout temps pour s’adapter l’un à l’autre et ne plus pouvoir se séparer. Mais, enfin, Sitapanoki sembla chercher un peu de repos et nicha sa tête contre le cou de son amant qu’elle enveloppa de ses bras.
    Un instant, elle garda le silence et il crut qu’elle allait s’endormir quand il sentit soudain des baisers légers sur sa peau et l’entendit chuchoter.
    — Emmène-moi !…
    — Où veux-tu que je t’emmène ? Chez toi ? Je t’ai déjà dit…
    — Chez moi… oui… mais pas chez mon époux.
    Elle se redressa sur un coude, l’embrassa longuement tandis que ses doigts glissaient doucement à travers la légère toison qui moussait sur la poitrine du garçon, suivant le dessin des muscles.
    — Écoute… à bien des journées de marche en suivant le fleuve qui coule près d’ici, on trouve un fleuve plus grand encore, celui que les Français ont appelé Saint-Laurent. Autrefois, les miens régnaient sur d’immenses territoires au nord de ce fleuve. Les Iroquois les ont massacrés et les rares groupes qui ont pu échapper ont fui vers l’ouest. La tribu de mon père a pu demeurer plus longtemps que les autres grâce à un refuge dont moi seule et quelques autres, maintenant, connaissons l’emplacement. Un jour de malheur, il a fallu qu’ils en sortent, attirés dans un piège. Bien peu ont échappé aux flèches iroquoises et moi je suis devenue captive. Mais le refuge, l’ennemi n’a jamais pu le découvrir et je crois que quelques-uns y vivent encore. Viens avec moi… Tu deviendras leur chef, tu seras mon époux et je te donnerai des fils…
    Doucement Gilles se dégagea, obligea la jeune femme à se recoucher et la regarda longuement au fond des yeux.
    — Tu es folle, Sita !… Tu rêves tout éveillée. Comment ceux de ta race accepteraient-ils un Blanc ? Et moi, je ne veux pas déserter,

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