Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
à coup, derrière lui, il entendit un coup sourd, qui résonna comme sur une peau de tambour. Se retournant, il vit que c’était l’un des battants de la grande porte du collège. Mal fermée, sans doute, par le concierge qui cependant y veillait de près, le battant avait dû s’écarter sous l’action de l’ouragan et tapait contre le chambranle.
    Par l’ouverture, Gilles aperçut la rue où couraient des branches mortes et des détritus. Tout ce que la tempête arrachait au passage semblait fuir, comme animé d’une vie propre… Alors, il vit un signe dans cette porte miraculeusement ouverte, une sorte d’invite car il savait maintenant que rien ni personne ne pourrait fléchir Marie-Jeanne Goëlo et que, s’il se laissait enfermer au Séminaire, aucune force humaine sinon la fuite ne pourrait l’en arracher. Alors, pourquoi attendre ?
    La porte battit une seconde fois comme si elle s’impatientait. Sans plus réfléchir Gilles s’élança, craignant tout à coup de voir surgir le concierge qui fermerait inexorablement la porte. Il franchit le seuil d’un bond et s’élança à travers la ville en direction du marché au seigle.
    D’instinct, oubliant la rancune qui l’en écartait depuis deux mois, il allait vers le port, ce symbole du refuge mais aussi des fuites lointaines. La première pensée qui lui vint fut de s’y cacher dans un entrepôt quelconque pour attendre la nuit et se glisser ensuite dans le premier rafiot venu. Il ne pouvait être question de retourner rue Saint-Gwenael, où on le chercherait tout d’abord car il avait peu de temps et avant une heure il fallait qu’il fût à l’abri.
    Mais, comme il s’engouffrait sous la porte Saint-Salomon de toute la vitesse de ses longues jambes, une odeur de crêpes chaudes le rattrapa et manqua le faire défaillir en lui rappelant qu’il avait faim. L’écuelle de soupe avalée à l’aube était loin. D’autant plus que l’économie de sa logeuse incitait la servante à la faire d’une élégante clarté. En outre, il avait laissé en classe, avec ses livres, les épaisses tranches de pain noir légèrement beurrées qui lui tenaient lieu de repas jusqu’au soir. Or, quand Gilles avait faim, son esprit fonctionnait moins bien.
    Machinalement, il ralentit le pas, fouilla ses poches dans l’espoir que les quelques liards constituant tout son avoir (sa mère avait toujours considéré l’argent de poche comme un piège du démon !) se seraient miraculeusement multipliés. Naturellement, il n’en était rien mais, en grattant bien le fond des poches, Gilles trouva tout de même de quoi acheter deux grandes galettes de sarrasin.
    Elles furent englouties en un clin d’œil, laissant aux lèvres du jeune homme leur délicieux parfum de beurre salé et, dans son estomac, une grande place encore vide.
    Mais le court laps de temps nécessaire à son mince repas lui avait apporté un peu de réflexion et il sentit la sottise de son premier projet. Qu’allait-il trouver, au port, en dehors des sinagots de pêche ou, peut-être, avec de la chance, d’un caboteur qui le déposerait à un point quelconque de la côte bretonne alors qu’il rêvait d’Amérique ? À moins qu’il ne retombât sur des aigrefins dans le genre du Nantais qui le feraient voyager dans une direction parfaitement indésirable ?
    Et puis, son besoin de regarder les choses en face et aussi son goût du combat le détournaient d’une fuite clandestine alors qu’il n’avait pas joué sa dernière carte. Et cette dernière carte, c’était son parrain : l’abbé de Talhouët l’aimait assez pour comprendre son absence de vocation religieuse et pour l’aider au besoin. Plusieurs fois, déjà, l’abbé avait essayé, discrètement, de mettre Marie-Jeanne en garde contre une décision trop superficielle. Pour Gilles, le recteur d’Hennebont était un ami et un confident, un homme à qui, parfois, il avait laissé entrevoir les aspirations profondes de sa nature et l’humiliation qu’il éprouvait d’être un garçon sans père avouable. Et si, par deux fois déjà, l’Abbé avait empêché son filleul de s’embarquer, au début de la guerre anglaise avec l’escadre de M. d’Orvilliers et l’année précédente quand le duc de Lauzun avait quitté Quiberon pour reconquérir la Sénégambie, cet empêchement n’avait pas pris l’allure d’une interdiction définitive mais celle d’une prière.
    — Attends encore, petit ! Tu n’es pas

Weitere Kostenlose Bücher