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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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des siècles, ont fondu comme des oiseaux de proie sur tout ce qui passait à portée de leurs tours. Une étonnante collection de gentilshommes-forbans n’aimant et ne connaissant que la violence. Encore n’appartenait-il pas à la branche aînée qui est éteinte depuis deux siècles. Il ne lui restait rien de la puissance ni de l’énorme fortune qui faisaient dire, à certaine époque, que les messieurs de La Hunaudaye étaient seulement un peu moins grands seigneurs que le roi de France. Il s’appelait Pierre et il servait au même régiment que mon frère, le Roi-Infanterie. Je ne l’ai jamais vu en ce qui me concerne mais je sais que durant cet été où tu as été conçu il a séjourné chez nous, au Leslé, avec d’autres camarades.
    Les yeux étincelants, les joues en feu, Gilles absorbait chacune des paroles de l’abbé Vincent comme une bolée d’air pur. Il avait l’impression qu’une large fenêtre venait de s’ouvrir soudain devant lui, dévoilant un horizon, là où il n’y avait jusqu’alors qu’un grand mur noir. Enfin, il pouvait mettre un nom sur ce père inconnu et tant recherché… et c’était un très beau nom…
    Tout doucement, presque timidement, comme s’il craignait de faire évanouir un charme, il murmura :
    — Est-il si difficile de savoir ce qu’il est devenu ? S’il servait au même régiment que Monsieur de Talhouët…
    — Il aurait fallu pour cela qu’il y restât. Mais sa visite était une visite d’adieu. Las de la pauvreté, il rêvait de refaire l’ancienne fortune des ancêtres, de racheter La Hunaudaye qui appartient à cette heure à l’un de nos cousins Talhouët, président à mortier au Parlement de Rennes. Pour cela, il décida de naviguer, de gagner les Antilles via l’Afrique pour s’y livrer au commerce des esclaves. Si mes souvenirs sont exacts, en quittant le Leslé, il est allé s’embarquer à Nantes, sur l’un des navires de l’armateur Libault de Beaulieu à destination du golfe de Guinée… Allons, ne tremble pas comme cela ! On dirait que tu as la fièvre.
    — C’est un peu cela ! Je voudrais tant le retrouver…
    — Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Il n’est jamais revenu et il est possible qu’il soit mort. Mais pour te faire plaisir je m’informerai, j’interrogerai ma famille et j’écrirai à M. Libault de Beaulieu pour essayer de savoir quelque chose. Maintenant, il faut aller accueillir notre défunt. Voilà le glas qui se met en branle. Aide-moi à finir de m’habiller… Ce soir, je te dirai ce que j’ai décidé pour toi !…
    Comprenant qu’il était inutile d’insister, Gilles fit ce qu’on lui demandait puis quitta l’église, emportant avec lui les premiers beaux rêves de sa jeune existence. Mais il n’alla pas loin : le cortège qui menait à l’église le corps du baron de Saint-Mélaine pour y attendre les funérailles qui auraient lieu le lendemain, montait vers lui… Caché derrière les buissons de houx et de buis qui marquaient l’entrée du cimetière, Gilles observa le petit cortège avec un étrange et tout nouveau sentiment d’orgueil. S’il était toujours un bâtard, du moins n’était-il plus le fils de personne. Il savait d’où il venait, même s’il ignorait encore où il allait et le sang qu’il portait en lui, le sang du Gerfaut, était plus ancien et plus noble que celui de la plupart de ces gens qui approchaient. Il fallait que son destin fût plus grand que le leur…
    Dans le groupe moutonnant des têtes, il chercha Judith mais ce fut à un homme que son regard s’attacha. Bâti comme un taureau avec d’épais cheveux rouges, sans poudre, qu’un ruban noir retenait sur la nuque, armé d’une lanterne à vitre de corne où brûlait un petit cierge, il marchait devant le premier vicaire de la paroisse, l’abbé Gauthier qui, juché sur la paisible Églantine, précédait le corps. L’usage voulait que le porteur de cierge fût le plus proche parent du défunt et Gilles ne douta pas un instant que l’homme à la lanterne ne fût l’aîné des Saint-Mélaine, Tudal.
    Cette découverte ne le satisfit guère. Le nouveau baron pouvait avoir vingt-cinq ans et il ressemblait trait pour trait à sa réputation : une brute pourvue d’un faciès dur et d’une paire d’yeux couleur de granit, à peu près aussi tendres d’ailleurs et affleurant un front un peu trop bas pour receler une vaste intelligence. Le tout engoncé dans un habit

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