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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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son esprit pour qu’il en eût oublié une seule. Il en était à rapporter la violente diatribe contre la famille de son père quand l’Abbé, soudain très agité, l’interrompit :
    — Tu es certain ? Elle a dit « … tous, depuis leur fameux Gerfaut ? ».
    — Certain. C’est un mot tellement inhabituel ! Mais je n’ai pas compris…
    — Moi, j’ai compris. Dans sa colère, ta mère a laissé échapper tout simplement la clef de l’énigme. C’est un peu ce que j’espérais. Je sais maintenant qui est ton père… ou qui était, car j’ignore s’il vit toujours…
    De stupeur, Gilles faillit lâcher l’encensoir.
    — Vous savez ?
    — Oui. Et je vais te le dire. Nous avons un peu de temps devant nous. Viens t’asseoir avec moi sur ce banc. Au surplus, ce ne sera pas si long car, bien entendu, je ne vais pas te raconter ici l’histoire des ancêtres de ton père. Elle constitue une sorte d’épopée passionnante et terrible, mais n’en est pas moins d’une longueur décourageante. Et d’ailleurs, j’ai dans ma bibliothèque une généalogie que je te montrerai.
    — Je veux tout savoir, s’écria Gilles, dévoré d’impatience. Et d’abord, ce Gerfaut ? Qu’est-ce que c’était ?
    — C’est justement ce que j’ai l’intention de t’apprendre. En l’an 1214 (tu vois que cela ne date pas d’hier) quand il épousa la belle Edie de Penthièvre, Olivier de Tournemine…
    Un flot de sang monta aux joues de Gilles.
    — Tournemine ?… C’est là… mon nom ?
    — Le nom que tu devrais porter ? Oui… mais si tu m’interromps continuellement nous n’en sortirons pas. Donc, au moment de son mariage, Olivier de Tournemine reçut du duc de Bretagne, en présent de noces, un grand gerfaut blanc venu des pays du Nord. C’était un superbe oiseau, un grand chasseur. Olivier en fit peu à peu son inséparable compagnon et même la plus sûre de ses armes. Habitué au gros gibier, Taran, le gerfaut, attaquait indifféremment l’homme ou la bête et, lorsque son maître lui donnait la volée, nul ne pouvait espérer lui échapper tant ses ailes avaient de rapidité. Les serres faisaient couler le premier sang et ensuite l’épée ou la hache du Baron n’avaient plus qu’à achever l’ouvrage du rapace. Avec le temps, Taran devint une sorte de prolongement d’Olivier tant et si bien que les paysans terrifiés du Trégor finirent par confondre l’homme et l’oiseau. Ils furent, l’un et l’autre le Gerfaut, aussi cruels aussi implacables l’un que l’autre. À cause d’eux, les belles armes si nobles et si simples, d’or et d’azur écartelé, que le premier Tournemine avait apportées d’Angleterre, furent bien souvent souillées de sang… et, malheureusement, les descendants d’Olivier allaient suivre scrupuleusement la même trace…
    — Qu’advint-il du seigneur et de l’oiseau ?
    — Ils vécurent des années côte à côte, chaque jour un peu plus semblables, un peu plus enfermés dans cette étrange amitié. Taran portait capuchons et colliers d’or pur. Il régnait sur l’esprit de son maître. Mais, bien sûr, il n’était pas immortel et, un beau jour, la mort le prit. Le chagrin d’Olivier fut effrayant. Durant - des jours, des nuits, des semaines il s’enferma derrière les tours neuves de son château de La Hunaudaye qu’il avait fait construire, refusant de sortir. La chasse, la guerre, les coups de main et le pillage ne l’intéressaient plus. Même les femmes qu’il avait tant recherchées avaient perdu leur attrait. Et c’est peut-être en souvenir de l’oiseau terrible qu’il avait pris pour devise trois mots ambigus « Aultre n’auray… » la devise des Tournemine depuis ce temps-là.
    — Mais enfin, il en est bien sorti un jour de sa forteresse ?
    — Oui. Pour suivre à la croisade notre duc Pierre et le saint roi Louis. Il fut tué à la bataille de Mansourah. Mais son histoire, devenue légende avec le temps, n’a jamais été oubliée en pays de Pleven, ni d’ailleurs dans une bonne partie de la Bretagne.
    Comment se fait-il alors que Rozenn, qui sait tant d’histoires, ne m’en ait jamais parlé ?
    — Je ne sais pas. Peut-être qu’après tout elle ne la connaît pas… Ou alors, peut-être avait-elle des soupçons qu’elle a gardés pour elle.
    — Mais… mon père ? Parlez-moi de mon père maintenant.
    — Ton père ? Il était le dernier de cette race effrayante des Tournemine, qui, durant

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