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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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faut que je gagne le couvent très vite. Morvan ne va pas rester toute sa vie dans la rivière !
    En effet, la fraîcheur de l’eau avait rendu tous ses esprits à Saint-Mélaine et il commençait à nager en direction de la berge. Gilles haussa les épaules, dédaigneux.
    — Il ne pourra pas reprendre pied à terre avant le pont. C’est plein de vase par ici et terriblement glissant. J’en ai déjà fait l’expérience…
    — Vous ne savez pas de quoi ils sont capables quand ils sont en colère. Oh ! que j’ai mal ! Il va falloir que vous m’aidiez à marcher. Heureusement, il n’y a plus que quelques pas !
    Pour toute réponse, Gilles se pencha, saisit Judith à la taille et sous les genoux, l’enlevant de terre sans le moindre effort apparent.
    — Voilà ! fit-il gaiement. Le mieux est que vous ne marchiez pas du tout. Si vous vouliez bien me tenir par le cou…
    Elle avait déjà obéi. Avec un frémissement de joie, il sentit contre sa joue la douceur de sa joue à elle, la soie de ses cheveux contre son cou. Alors, il osa la serrer davantage contre lui et elle ne protesta pas.
    Dans la poitrine de Gilles, le cœur se mit à battre la chamade. Jamais il n’avait imaginé un instant aussi doux, aussi merveilleux. Ce n’était plus la Judith arrogante et méprisante qu’il tenait dans ses bras, c’était une Judith toute nouvelle, tendre et abandonnée, sans révolte et sans orgueil, une Judith qui, peut-être, pourrait l’aimer elle aussi… Et il aurait voulu que le couvent reculât jusqu’au fond des forêts pour prolonger indéfiniment ce délicieux voyage, dût-il y laisser son dernier souffle.
    Tout à coup, il l’entendit soupirer.
    — Vous êtes fort et vous vous battez bien ! Quel dommage que l’on veuille faire de vous un curé.
    Il se mit à rire.
    — Mais c’est que, justement, je ne serai jamais curé. L’abbé de Talhouët, qui est mon parrain, me dira ce soir quel destin il a choisi pour moi…
    Il fut tenté, un instant, de lui confier ce qu’il venait d’apprendre, de lui dire quel sang coulait dans ses veines, ne fût-ce que pour voir s’élargir ses grands yeux. Mais il songea que ce serait peut-être une trop belle occasion de lui rappeler sa bâtardise et il jugea plus prudent de s’abstenir, se contentant d’ajouter : « Peut-être m’enverra-t-il me battre en Amérique ? Il n’y a rien que je désire plus au monde… »
    Il sentit se crisper imperceptiblement le bras qui serrait son cou et, se penchant, il vit briller les yeux noirs.
    — En Amérique ! exhala-t-elle. Quelle chance, mon Dieu ! Il n’y a que les hommes pour avoir de telles chances. Moi, je n’ai droit qu’au couvent. Et j’aimerais tellement vivre… Le couvent, c’est la tombe…
    Le cri de révolte de Judith trouva un écho fidèle dans le cœur de Gilles. Cela ressemblait trop à son propre refus en face du séminaire. L’adolescente repoussait le voile monacal avec autant d’ardeur qu’il avait repoussé la soutane et l’abbé de Talhouët qui l’avait cru résignée s’était trompé : elle subissait, sans plus.
    Gilles eut envie, tout à coup, de lui raconter ses derniers mois à Vannes, de lui dire ses angoisses, ses refus, sa fuite et même le vol du cheval mais il n’en avait plus le temps car, déjà, ils étaient arrivés devant l’antique portail d’aspect encore féodal qui s’ouvrait dans les murs ceinturant le parc du couvent. Alors, il s’affola : dans un instant, Judith serait de l’autre côté de cette porte. Il ne pourrait plus la voir, l’entendre, la toucher… La serrant à la briser, il murmura alors dans ses cheveux :
    — Êtes-vous sûre que vous ne risquerez rien au couvent, que vos frères ne pourront pas vous en arracher ? Ils sont votre seule famille maintenant ? Ils ont tous les droits.
    — En effet mais Mme de La Bourdonnaye saura me défendre. Elle est dépositaire du désir formel exprimé par mon père, avant sa mort, de me voir prendre le voile à Notre-Dame-de-la-Joie ! Pauvre père, il croyait assurer sinon mon bonheur, du moins ma tranquillité.
    — Mais vous n’êtes pas obligée de prendre le voile dès maintenant ?
    — Bien sûr que non. Je dois finir l’année scolaire puis il y aura le temps du noviciat qui peut durer deux ou trois ans. Pourquoi me demandez-vous tout cela ?
    — Parce que je veux faire pour vous ce que l’on fait pour moi : vous donner la liberté. Je jure, si Dieu permet que je

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