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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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moitié demeure avec moi.
    — Pour vous escorter sur les routes à votre tour ?
    — À Dieu m’en garde. Ce serait provoquer les mutins.
    — Et pourquoi, en ce qui vous concerne, demeurez-vous
céans en pleine émeute ?
    — Je suis au service de la reine, et je ne saurais
l’abandonner. À mon domestique de protéger mon hôtel quand je serai parti avec
la reine.
    — Et la reine partira ?
    — Assurément. Comment pourrait-elle accepter que le
roi, son fils, soit assiégé par son peuple dans sa propre capitale ? Elle
reviendra la reconquérir, rassurez-vous.
    Lecteur, si j’en crois l’exemple de la reine, les femmes
sont meilleures conspiratrices que les hommes, étant plus méthodiques, plus
prudentes et bien meilleures comédiennes. L’évasion étant fixée à deux heures
du matin le six janvier 1649, il fallut que la veillée fût chez la reine une soirée
comme les autres, calme et familiale, la reine tirant les rois avec ses deux
fils. Elle eut la fève et on lui mit sur la tête une couronne de papier. Vous
étonnerais-je en vous disant que même cette couronne, la reine la portait
majestueusement.
    Après ces divertissements, Louis et Philippe s’allèrent sur
son ordre se coucher. La reine soupa de bon appétit en bavardant gaiement avec
ses femmes. Puis, après quelques discrets bâillements qu’elle cacha de ses
belles mains – les plus belles du monde, disaient les courtisans – elle
s’en fut coucher. Mais tout cela n’était que leurre. À deux heures du matin
elle se réveilla, fit réveiller ses fils, et donna l’ordre de les habiller. Les
pauvrets dormaient debout, ignorant tout de cette aventure et n’osant poser
question. Madame de Beauvais, première femme de la reine, aida à habiller ces
grands garçons, et je remarquai que la dame y mettait avec Louis beaucoup de
tendresse et qu’il paraissait très sensible à ces enchérissements, ayant l’œil
déjà très accroché par les tétins des dames, lesquels, de reste, me parurent
fermes et bien rondis, Madame de Beauvais n’étant certes pas femme à user
d’artifices. Je conclus de ce bref, mais peu innocent regard du roi, qu’en ce
qui concernait le gentil sesso, Louis XIV tiendrait davantage de
son grand-père que de son père.
    Plusieurs carrosses nous attendaient, car la reine espérait
bien que ses plus fidèles sujets l’allaient suivre. Un mousquetaire me
conduisit dans celui qui m’était réservé et où je trouvai aussi Monsieur de
Guron, le docteur médecin chanoine Fogacer et son petit clerc, le nonce
apostolique, et pour ne le citer qu’en dernier, bien qu’il ne fut pas le
moindre, le cardinal de Mazarin. Celui-ci gardait jalousement sur ses genoux
une boîte recouverte de velours. Fogacer, qui savait tout, me glissa à
l’oreille qu’elle était pleine de pierres précieuses, monnaie acceptée dans le
monde entier. Et comme dit un Anglais, on voit bien par là que le cardinal ne
s’embarquait pas sans biscuits.

 
CHAPITRE XIV
    Cet exode à la nuitée de la Cour fut rendu très pénible par
l’extrême froidure de ce mois de janvier. Les roues des carrosses dérapaient
sur des chemins glacés. Qui pis est, on avait oublié de garnir les voyageurs de
chaufferettes, et les pieds se glaçaient dans les bottes fourrées.
    L’arrivée au château de Saint-Germain fut plus pénible
encore. Le lecteur n’a sans doute pas oublié que les châteaux des champs de nos
rois n’étaient pas garnis en meubles. Quand le roi voulait y séjourner, il y
expédiait au préalable les lits, les tables, les chaires à bras qu’il jugeait
nécessaires. Or, on n’aurait pas pu en la circonstance prendre ces précautions,
sans que ces préparatifs eussent mis puce au poitrail des Parisiens, avec tous
les risques que cela pouvait entraîner.
    En conséquence, à Saint-Germain, on ne trouva dans tout le
château que quatre lits de camp oubliés là depuis le dernier séjour de
Louis XIII. La reine, le roi, Monsieur et Mazarin eurent seuls droit à ces
princières litières. Le reste de la Cour dut se contenter de la paille qui, par
bonheur, se trouva dans les communs en grande quantité. Cependant, ne trouvant
pas de bois, les cheminées demeurèrent béantes et froidureuses.
    Je noulus accepter des conditions aussi fâcheuses sans
essayer de trouver mieux, et comme Nicolas avait suivi ma carrosse à cheval, en
tenant mon Accla par la bride, nous les montâmes le lendemain, gagnâmes sans
tant languir

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