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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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et
j’envoyai sur les lieux mon petit vas-y-dire, Lazare. Il devrait se rendre seul
à la porte de la ville la plus proche, et portant à la main un flacon à demi
entamé de mon vin de Bourgogne. Je lui enseignai de mon mieux la comédie qu’il
devrait jouer pour capter la confiance des portiers. Le galapian, qui était un commediante naturel, apprit son rôle à merveille. Cependant, ce n’est pas sans appréhension
que je le vis partir, craignant que ces brutes, flairant l’espion, ne lui
fissent un mauvais parti. Et à parler à la franche marguerite, je ressentis ses
transes et ses inquiétudes tant qu’il ne fut pas revenu.
    Lazare (le lecteur n’a pas oublié que c’est le galapian
lui-même qui avait choisi ce nom-là, espérant être ressuscité aussi promptement
que son homonyme, quand le moment serait venu), quand il surgit enfin devant
moi, était aussi rayonnant que s’il avait occis d’un seul coup d’épée les
septante diables de l’enfer. Cependant, si exalté qu’il fut, il ne perdit pas ses
bonnes manières, et ce ne fut qu’après avoir fléchi le genou devant moi qu’il
me récita sa râtelée.
    — Monseigneur, me dit-il, ces marauds étaient cinq,
assis cul sur sol, l’un dormant, les autres tapant des cartes et buvant à lut.
Dès qu’ils me virent avec la bouteille, ils me l’arrachèrent des mains et la
vidèrent l’un après l’autre sans tant languir. Après quoi, ils quirent de moi,
de façon menaçante, ce que je faisais là, et quand je leur dis que je leur
avais apporté du vin pour qu’ils me déclosent la porte afin que je puisse
quérir chez un paysan de ma connaissance un peu de pain pour ma mère et moi,
ils se mirent à rire à gueule bec.
    « — Ma fé ! Que voilà le plus grand
niquedouille de la Création. Avez-vous ouï ? Un flacon pour déclore
l’huis ! Et qui sait, un autre flacon pour le retour ! Pincez-moi le
cul, compains, pour que je sois sûr que je sois pas déjà en train de rêver dans
mon cercueil. Écoute, petit fainéant de merde. Pour qu’on déclose l’huis, il
faut cinq écus, vu que nous sommes cinq, et au retour encore il faut cinq écus.
Si tu ne les as pas, va te faire pincer les fesses par la duchesse.
    « Là-dessus, l’un d’eux me lança un caillou, et
craignant d’être lapidé par ces caïmans juste pour le plaisir, je courus hors
de leur portée.
    « Monseigneur, reprit enfin Lazare quand il eut fini
son récit, qu’est-ce que cela veut dire « Va te faire pincer les fesses
par la duchesse ». De quelle duchesse s’agit-il ?
    — Rassure-toi, Lazare, elle n’existe pas. Ce n’est rien
là qu’une parladure parisienne, orde, sale et fâcheuse, pour donner son congé à
quelqu’un qui vous fâche.
     
    *
    * *
     
    — Monsieur, un mot de grâce ! Comme se fait-il que
les portiers des portes de Paris soient si mal embouchés et si goulus de
clicailles. Ce ne sont donc pas les vrais portiers ?
    — Nenni, ceux-là ce sont des mutins qui ont de force
chassé les vrais portiers et pris leur place.
    — Et pourquoi cela ?
    — Dès que les barricades et les chaînes furent dressées
dans Paris, bon nombre de nobles et de riches bourgeois quittèrent la capitale
sans tant languir pour chercher refuge en leurs maisons des champs. Les mutins
en firent de prime des gorges chaudes, mais s’apercevant assez vite que cet
exode ruinait le commerce et appauvrissait ceux qui en vivaient, ou ceux qui
volaient, ils établirent alors leurs hommes aux portes pour interdire cet
exode, mais ces hommes se laissèrent vite corrompre, persuadés par les
boursicots des voyageurs, tant est que l’exode continua comme devant.
    — Et pourquoi avez-vous dépêché Lazare vers ces
portiers ?
    — Pour tâter le terrain, projetant de mettre sous peu
en lieu sûr Catherine, Henriette et leurs enfants sous la protection de
Nicolas.
    — Et vous-même demeurant céans ?
    — Avec Lazare, Mariette, le maggiordomo et les
chambrières.
    — Étant seul, qu’avez-vous besoin de tout ce
domestique ?
    — Vais-je le jeter hors en pleine émeute et sans un
sol ?
    — Et comment Catherine et les enfants vont-ils
atteindre Montfort l’Amaury ?
    — Quand ils seront sortis de Paris, une carrosse de
louage les attendra au plus proche village. Et Catherine est par mes soins bien
garnie en pécunes.
    — Mais dégarnie en escorte ?
    — Détrompez-vous. J’y ai pourvu. La moitié de mes
Suisses part avec elle. L’autre

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