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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Saint-Nom-la-Bretèche où je toquai, le cœur battant, à l’huis de
la maison des champs de la princesse de Guéméné. Hélas, ni le valet qui
m’ouvrit, ni le maggiordomo, à qui j’avais tant de fois graissé la
patte, ne parurent si heureux de me voir. Le maggiordomo me dit
froidureusement assez qu’il allait demander à sa maîtresse si elle pouvait me
recevoir. Il revint et, plus froid encore, me dit que la princesse devait
renoncer au plaisir de ma visite, étant en conférence avec Monsieur le
coadjuteur Gondi.
    Je sus aussitôt ce que cette conférence-là voulait dire,
Gondi, si proche qu’il fut déjà d’un évêché, n’ayant pas encore renoncé aux
plaisirs de ce monde. Pour ne point paraître trop humilié, j’eus la force de
sourire et de bailler au maggiordomo un écu d’adieu. Mais resté seul, et
sur le point de verser des larmes, je préférai me laisser aller à la fureur qui
me secouait, laquelle était telle et si grande qu’elle me faisait regretter que
Louis XIII eût aboli les duels, sans cela j’eusse aussitôt percé de mon
épée le cœur de cet abominable chattemite qui n’était ni chair ni poisson, ni
prêtre ni laïc, et qui en couchant avec ma princesse rêvait encore de son
épiscopat. Sans quitter Saint-Nom-la-Bretèche, je trouvai cependant asile chez
une veuve qui se trouva fort heureuse d’héberger un duc et pair, et un aussi
gentil garçon que Nicolas. Et d’autant plus que je lui offris de payer ma
quote-part, ce qu’elle accepta sans tant languir, étant chiche-face et
pleure-pain, bien que fort riche, à ce que je sus plus tard.
    Ma chambre était belle et donnait sur un large champ où
paissaient des vaches, et chose curieuse, la vue de ces paisibles animaux
m’apazima. Mais dès que le soir vint, je tombai dans un grand pensement de la
princesse de Guéméné, lequel me fit grand mal.
    Bien qu’elle en eût le nom et les manières, mon hôtesse
n’était pas noble. Elle se faisait appeler Madame du Bousquet, ayant adopté le
nom d’une maison qu’elle possédait en Dordogne, et qui avait une tour du XIV e  siècle.
    Nos pimpésouées de cour appelaient méchamment ces maisons de
fausse noblesse « des savonnettes à vilain », oubliant que d’aucuns
nobles authentiques se conduisaient si mal qu’ils eussent eu besoin, quant à
eux, d’un savon de grande dimension pour nettoyer leurs vilenies.
    À Paris, le départ du roi pour Saint-Germain sema la
consternation. D’abord parce qu’il était l’oint du Seigneur, et qu’à sa
personne s’attachait un caractère sacré. Ensuite, parce que les Parisiens
redoutaient que le roi ne revînt faire le siège de sa capitale avec une forte
armée. Confrontés à cette funeste perspective et un mélange de bravoure et de
naïveté, les Parisiens essayèrent de se donner une armée. Ils recrutèrent comme
soldats des ouvriers mécaniques qui de leur vie n’avaient épaulé un mousquet,
et comme officiers des bourgeois qui n’avaient jamais tiré l’épée de leur vie.
Comme général, ils firent choix de Conti parce qu’il était prince du sang. Mais
le sang ne garantit pas tout. Conti était petit, bossu, se destinait à
l’Église, et se montrait fort peu combatif.
    Comme l’armée royale ne bougeait pas, les insurgés
décidèrent d’attaquer la Bastille, laquelle était une prison d’État plutôt
agréable, où l’on ne serrait que les Grands, qui étaient livrés aux bons soins
de geôliers polis. La nourriture y était bonne, la cave excellente, et la
visite des dames dans les cellules des prisonniers n’était pas exclue.
    Les insurgés installèrent leur batterie de canons dans le
jardin de l’Arsenal. Cela excita prou les riches dames bourgeoises des
alentours, lesquelles, sachant en outre que la Bastille n’avait ni soldats ni
canons, et ne pouvait en aucune façon riposter, firent porter leurs chaires à
bras par leurs valets dans le jardin de l’Arsenal où Conti avait disposé ses
batteries. Et là, gracieusement assises en leurs plus belles vêtures, elles
éprouvèrent de douces émotions à voir les trous que faisaient les canons dans
les murs. Cependant, cette jouissance dura peu, car les portes de la Bastille
furent promptement décloses, et nos belles dames purent y pénétrer ainsi que
nos vaillants guerriers qui, trouvant aussitôt la célèbre cave de la Bastille,
burent à lut en se félicitant du succès éclatant de leurs armes.
     
    *
    * *
     
    — Monsieur,

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