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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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je me garderai de le
dire.
    — C’est donc qu’elle fut en cette occasion
critiquable ?
    — Allons, mon ami ! Parlons à la franche
marguerite. Qu’en pensez-vous ?
    — Que la reine a commis là une grave erreur.
Premièrement, d’avoir voulu que Turenne achetât le gouvernement de l’Alsace en
reniant sa foi protestante, et la seconde en le considérant comme son ennemi,
parce qu’il avait refusé à juste titre ce peu ragoûtant bargoin. La troisième
faute est d’avoir payé la solde des soldats de Turenne pour qu’ils s’enfuient
nuitamment, privant ainsi Turenne de son armée, mais dépensant, pour payer cet
exode, un million et demi de livres, alors que le Trésor royal est déjà si mal
en point.
    — Mais comment Mazarin n’a-t-il pas dissuadé la reine
de commettre cette bévue ?
    — Ne l’avez-vous pas su ? Il fuyait une tentative
d’assassination sur sa personne.
    — Il fuyait ! Richelieu, lui, aurait fait front,
entouré de ses mousquetaires.
    — Mon ami, dit Fogacer avec son lent sourire, cessons à
tout instant d’oublier que Richelieu est mort.
     
    *
    * *
     
    Un des aspects de la Fronde qui m’étonna le plus, après
coup, ce fut le mépris et le rejet des bonnes mœurs et de l’Église. Le
dévergondage qui de tout temps avait fleuri, mais en catimini et accompagné
souvent de remords et de confessions, non seulement s’étala effrontément au
grand jour, mais proclama avec insolence sa légitimité.
    J’en donnerai quelques exemples. Chez le grave conseiller
Coulon qui avait eu l’imprudence de donner chez lui un grand bal, les invités
féminins et masculins se dévêtirent d’un commun accord et dansèrent nus.
    Une haute dame, que je ne veux nommer, se flattait de
traiter ses mignons comme ses jupes. Elle les portait deux jours et les brûlait
ensuite. La Dieu merci, ce n’était qu’une métaphore. Elle ne brûlait personne.
    La bougrerie, qui de tout temps avait été persécutée, sauf
dans la famille royale et chez les Grands, s’étalait maintenant en public, et
l’on voyait dans les rues des couples masculins s’accoler, et comme disait mon
père, « se lécher le morveau ». Une grande dame s’éprit de son
accorte chambrière, laquelle, craignant d’être congédiée, consentit à tout.
Mais cela pourtant ne la sauva pas, car la bougresse après coup conçut des
remords, se confessa, et son confesseur lui ayant prédit qu’elle irait rôtir en
enfer, la dame entreprit de se rafraîchir l’âme. Elle roua de coups sa mignote
et sans un sol la jeta sur le pavé.
    Les enlèvements et les viols se multipliaient. Des hommes
masqués, mais qui à en croire les blasons peints sur la porte de leurs
carrosses appartenaient à la grande noblesse, enlevaient en plein jour dans les
rues de Paris de jolies mignotes qui couraient à leur travail. Ils les
violaient à tour de rôle et, leur forfait accompli, les abandonnaient dans un
bois ou les jetaient dans la Seine.
    Tout respect était perdu et toute vergogne avalée. On
insultait la reine, le roi et Dieu lui-même en des termes si ordes et si sales
que je ne veux les répéter.
    Je voudrais noter ici que le « juron » pour le
gentilhomme était une manifestation de virilité et de supériorité sociale.
Raison pour laquelle les femmes n’étaient pas censées jurer, non plus que le
domestique. Cependant, une tolérance tacite était accordée aux cochers des
carrosses et aux harenguières des halles en raison des métiers qu’ils
exerçaient et qui leur donnaient de fréquentes occasions de s’escalabrer.
    L’impiété régnant sur les esprits, on finit par s’en prendre
aux prêtres, à les insulter, à les molester, à les menacer, à leur arracher en
pleine messe le ciboire, et à piétiner les hosties où, déclarait-on bien haut,
« il n’y avait qu’un peu de pain ».
    Les pamphlétaires allèrent plus loin, et s’en prirent à la
reine, la traînant dans la boue, lui imputant tous les crimes, et en
particulier d’avoir livré le petit roi à la bougrerie supposée de Mazarin. Un
de ces infâmes diffamateurs, Morlot, fut capturé, jugé et condamné à mort. Mais
comme on le menait à la place de Grève pour être exécuté, il fut délivré par
une douzaine de galapians à qui les archers escorteurs firent fort peu de
résistance.
    On aurait dit que Paris étant rentré dans l’obéissance, les
mutins s’en revanchaient en se livrant à leurs vieux démons, l’impiété,

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