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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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alors retiré, pensant que, le salut de
votre âme se trouvant en des mains si expertes, je n’avais pas à m’en mêler.
    — Duc, dit la princesse avec une moue enfantine, vous
êtes un méchant. Le coadjuteur ne fut dans ma vie qu’un court instant de curiosité.
Il était si couvert de femmes que j’ai voulu savoir ce qu’il en était.
    — Et fûtes-vous satisfaite ?
    — Point du tout. Il n’y avait d’étonnant chez le
coadjuteur que son extrême outrecuidance. Mais vous-même, Monsieur (et au
timbre de sa voix je sentis qu’allait fondre sur moi la charge de la brigade
légère), dans vos missions lointaines, au service du roi, n’avez-vous pas
bénéficié des faiblesses de nos bonnes hôtesses ?
    — Mais ce ne sont là que des cancans de cour.
    — Nenni, nenni, Monsieur, ces contes viennent des
armées. Allez-vous accuser les officiers de Sa Majesté d’être de fieffés
menteurs ? Et s’ils le sont, n’êtes-vous pas l’un d’eux ?
    — Madame ! Vous me fâcheriez si vous deviez
m’accabler plus avant. Et pour couper court, je vous propose un bargoin
équitable. Vous enterrez votre coadjuteur, et j’enterre mes hôtesses.
    — Monsieur, dit-elle alors avec un petit rire, je
crains fort que le reste de la matinée ne soit perdu pour toute conversation
utile.
    Ce fut vrai. Cependant, nos tumultes achevés, la parole
revint de soi dans nos bouches.
    — Mon ami, dit-elle, que pensez-vous de Mazarin ?
    — Il n’a pas la rigueur ni la vigueur de Richelieu,
mais il a beaucoup d’esprit, et donne à la reine de pertinents conseils. Raison
pour laquelle les éternels opposants commencent à le haïr et songent même déjà
à l’assassiner.
    — Savez-vous ce que Mazarin dit de lui-même en tant que
ministre ?
    — Nenni.
    — Vous plairait-il de le savoir ?
    — Certes !
    — Eh bien, voici ce qu’il dit de lui-même :
« Je dissimule, je biaise, j’adoucis, j’accommode autant qu’il est
possible, mais dans un besoin pressant, je ferai voir de quoi je suis
capable. »
    — Mais, princesse, sur quel pied êtes-vous donc avec
Mazarin pour qu’il vous fasse une telle confidence ?
    — Rassurez-vous, beau Sire, ma familiarité va de soi.
Je lui suis apparentée.
    — Apparentée ? Dieu du Ciel ! J’espère que je
n’ai rien dit de damnable à son sujet !
    — Rien de ce genre, dit la princesse de Guéméné, mais
comme vous pleurez encore Richelieu, on pourrait soupçonner que vous n’estimez
pas autant son successeur.
    — Que devrais-je donc faire pour écarter cet erroné
soupçon ?
    — Duc, serait-il Dieu possible que vous demandiez
conseil à une faible femme ?
    — M’amie, je ne crois pas au mythe de la faible femme.
Et moins encore quand il s’agit de vous.
    — M’ami, votre lucidité vous honore. Voici donc le
conseil que j’ose vous bailler. Quand vous cheminez dans le Louvre, au
Parlement, ou ès lieux publics, gardez-vous de prononcer le nom de Richelieu
avec ferveur. En revanche, quand l’huis bien clos sur vous dans le cabinet de
votre chacunière, vous pouvez boire un flacon de votre vin de Bourgogne en
compagnie du comte de Sault, de Monsieur de Guron et du chanoine Fogacer, et
alors, alors seulement, je vous autorise à verser en chœur des torrents de
larmes et des louanges infinies sur le grand cardinal, lequel, comme vous
savez, était honni de toute la France de son vivant.
    — Mais pourquoi donc ?
    — Parce que les Français nourrissent une vive aversion
pour toute autorité, et comme ils ne peuvent pas dénigrer le roi ou la reine,
ils s’en prennent à son ministre. Ce fut le lot de Richelieu et, meshui, celui
de Mazarin.
     
    *
    * *
     
    Le lendemain de cette tendre visite à la princesse de
Guéméné, je me rendis, comme à l’accoutumée, au lever de la reine et je fus
profondément étonné de ce qui se passa en ce qui me concerne et que je n’eusse
pas cru possible en un pays où il y a une telle distance entre le roi et ses
sujets qu’il paraît impossible de les faire communiquer.
    Le lever de la reine n’était pas seulement pour moi un
devoir, mais un devoir que j’accomplissais avec de douces émotions. Avant que
les courtisans fiassent admis dans sa chambre, la reine avait eu le cheveu
parfaitement testonné, le visage lavé d’eau claire, peu de pimplochement sur
les lèvres, les mains lavées, polies et parfumées.
    La reine était grande dormeuse. À peine mise au lit et sa
jolie tête

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