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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pas ce
jour d’hui que ce soit leur rôle de le déniaiser, vu qu’en leur famille, pour
ce qui concerne les drôles, c’est toujours à une chambrière que ce soin est confié.
Et nos pimpésouées de cour croiraient déchoir de jouer un tel rôle, même avec
un grand roi.
    À treize ans révolus, le sept septembre 1651 Louis XIV
est proclamé majeur. Il fait son entrée dans Paris, entouré de ses cavaliers
montés sur des chevaux couverts de housses brodées d’or. C’est vous dire
comment était le roi lui-même, dont l’habit était si constellé d’or qu’on ne
voyait même plus le tissu. En outre, de sa personne il était fort beau et, le
chapeau à la main, saluait ses sujets avec une bonne grâce et une gravité
particulièrement royale. La mère du roi suivait dans une carrosse avec
Philippe, son frère, et Gaston d’Orléans, son oncle. Lecteur, plaise à toi de
te ramentevoir que si, traditionnellement, on appelait le frère du roi
« Monsieur », appellation qui était celle de Gaston frère de
Louis XIII, on ne pouvait dès lors appeler Philippe, frère du roi régnant,
que « le petit Monsieur », titre certes protocolaire, mais pour celui
qui le portait, quelque peu rabaissant.
    Le but de ce défilé royal n’était pas seulement de montrer,
dans toute sa splendeur, le roi de France aux Français, mais d’atteindre le
Parlement où la reine-régente devait passer ses pouvoirs au roi régnant.
    Elle le fit avec beaucoup d’élégance et de dignité, sans
jouer outre mesure de ses doigts effilés. À mon sentiment, il y eut quelque
frémissement dans sa belle voix quand elle remit à son fils « avec
grande satisfaction » la puissance qui lui avait été conférée pour
gouverner le royaume en attendant son avènement.
    Quant à moi, je doutais qu’elle éprouvât une « si
grande satisfaction » à renoncer au pouvoir, tant elle l’avait aimé,
et Louis eut sans doute le même sentiment, car dans sa réponse il n’omit pas,
en ce qui concernait l’avenir, de mettre doucement les points sur les i.
    — Madame, dit-il, je vous remercie du soin qu’il vous a
plu de prendre de mon éducation et de l’administration de mon royaume. Je vous
prie de continuer à me donner vos bons avis et je désire qu’après moi vous
soyez le chef de mon Conseil.
    Cet « après moi », débité devant le Parlement,
devant un public attentif, ne laissait aucun doute sur celui qui, en ce
royaume, allait d’ores en avant décider de tout. L’affrontement avec les Grands
ne tarda pas. L’outrecuidant Condé, croyant la pâte molle, voulut y mordre et
se cassa les dents. Voici comment il en alla. Le nouveau roi, sur le conseil de
sa mère, avait choisi Châteauneuf, Molé et La Vieuville comme ministres,
excellents tous trois dans leurs charges respectives, et d’ailleurs, ils en
avaient fait la preuve.
    Condé s’opposa à ce choix, parce qu’on ne l’avait pas
consulté, et menaça, appuyé par Monsieur, de ne pas paraître au Palais Royal si
ce choix était maintenu. Il n’avait pas plutôt formulé cette menace que Louis convoquait
le Grand Conseil, et sans tant languir intronisait les nouveaux ministres.
Monsieur, la crête fort rabattue, tira la leçon de cette écorne, et le
lendemain, en zélé sujet, il alla assister au lever du roi. Quant à Condé, il
prit seul les armes, mais sans beaucoup d’espoir, la fermeté du roi lui donnant
fort à réfléchir.
     
    *
    * *
     
    Si bien je me souviens, c’est le lendemain de la défection
de Condé qu’un vas-y-dire m’apporta un mot de la princesse de Guéméné, dans
lequel elle me disait qu’elle désirait me voir après le lever du roi. Je fus
donc chez elle, mais si j’ose dire bardé de fer et de dures résolutions.
    Comme à l’accoutumée, bien qu’il fût déjà dix heures du
matin, la princesse de Guéméné était encore dans son lit, mais le cheveu
testonné à merveille, la face pimplochée à ravir et vêtue d’une chemise de
chambre si richement ornée que plus d’une de nos pimpésouées de cour eût
souhaité la porter dans les couloirs du château.
    — Enfin ! dit-elle, enfin ! Je vous
vois ! Et que se passe-t-il donc ? Êtes-vous à mon endroit hostile
devenu ? Qu’ai-je fait pour mériter un traitement si cruel ?
    — Madame, dis-je froidureusement, la dernière fois que
j’ai toqué à votre huis, votre majordome m’a dit que vous étiez en conférence
avec Monsieur le coadjuteur. Je me suis

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