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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fassiez une
déclaration, si vous voulez être de mon parti ou de celui de Monsieur le
Prince.
    — Mais je suis de votre parti, protesta Gaston avec
quelque confusion.
    — Alors, dit Louis d’une voix coupante, donnez lieu que
je n’en puisse douter.
    Il avait alors à peine treize ans, et il parlait déjà en
maître. Et bien s’en aperçut Anne d’Autriche elle-même quand elle avisa de lui
interdire de monter à cheval avec Madame de Frontenac qu’elle trouvait un peu
trop séduisante. Louis répondit d’un ton sans réplique : « Madame,
quand je serai le maître, j’irai où je voudrai, et ce sera bientôt. » Anne
d’Autriche éclata alors en sanglots. Louis la prit dans ses bras, la poutouna,
pleura avec elle, mais ne revint pas sur sa déclaration, ni sur la promenade
qu’il avait décidée.
    Anne d’Autriche avait logé son fils et son frère Philippe
dans la même chambre, et dans le même lit, sous la discrète surveillance de
Beringhen, avec l’espoir que leur amitié se fortifierait par ce contact
quotidien. Hélas, ce fut le contraire qui arriva. Ils eurent de prime des
querelles de frontière au cours desquelles des injures malsonnantes furent de
part et d’autre prononcées. Beringhen, qui dormait dans la même chambre qu’eux
pour les surveiller, vint à la rescousse pour séparer les combattants. Mais il
y eut pis. Une nuit, Philippe cracha (c’était l’habitude, alors, de cracher un
peu n’importe où), et le crachat tomba sur la joue du roi, lequel se réveilla
alors, sentit ce qui était arrivé, et dans sa folle colère (pardon, belle
lectrice, sur les détails qui vont venir et dont j’affirme la véracité), Louis,
dis-je, pissa sur son frère qui aussitôt le contrepissa. Après quoi, ils se
seraient peut-être rués l’un sur l’autre si Beringhen ne les avait pas une fois
de plus séparés. La reine décida alors de séparer les frères ennemis et de
donner à chacun sa chambre. Ils en furent l’un et l’autre aux anges. Mais
bientôt un autre problème se posa. Les chambrières de Louis avertirent la reine
que sur les draps du roi elles avaient trouvé des traces irrécusables de
virilité.
    Anne, à cette nouvelle, ne sut si elle devait se chagriner
ou se réjouir. Bien sûr, elle pensait bien qu’il fallait pour son fils qu’il
devînt un jour un homme, mais alors elle perdait son enfant. Elle s’en ouvrit à
Mazarin dont la réponse fut décisoire :
    — Madame, sans tant languir, mettez une femme dans son
lit ! C’est là la seule solution.
    — Mettre une femme dans son lit ! Jamais ! Et
c’est un cardinal qui me conseille cela !
    — Oui, Madame, c’est un cardinal qui vous le
conseille ! Avez-vous oublié qu’Onan fut foudroyé par le Seigneur pour
avoir versé sa semence à terre ? Ou préférez-vous qu’à force de ne
fréquenter que des garçons, votre fils devienne bougre ?
    — Mais une femme hors mariage !
    — Cela s’est vu plus d’une fois dans la Bible et, de
toute façon, je lui donnerai l’absolution.
    — Mais une femme ! Une femme pour mon fils !
    — Madame, c’est votre insensée jalousie de mère qui
vous fait tergiverser. Surmontez-la, et sans retard choisissez.
    La reine choisit et, toujours par jalousie, choisit comme
initiatrice Madame de Beauvais, que la Cour appelait la Borgnesse, parce qu’en
effet un œil lui faillait, ce qui ne l’embellissait pas, et faisait fuir les
amants. Outre cette laideur peu encourageante, elle souffrait – ce que la reine
ne savait pas – d’une maladie vénérienne, qu’elle transmit à Louis, et dont
Louis mit un mois à se remettre. Quand enfin il se leva, son premier mot fut
pour dire à sa mère : «  De grâce, Madame, ne vous occupez plus
de me procurer des femmes. D’ores en avant je les choisirai moi-même. »
    Anne, à ces sévères paroles, éclata en sanglots, mais cette
fois Louis ne la prit pas dans ses bras pour la consoler et, après un salut
tout protocolaire, quitta à grands pas la pièce.
    — Remarquez, me dit plus tard Beringhen, que Louis a
dit « mes femmes », cela veut dire qu’une seule ne lui suffira pas,
en cela bien semblable à son grand-père le Vert-Galant, qui allait de cotillon
à cotillon.
    — Beringhen, dis-je, pourquoi ne dites-vous pas que
notre Louis volera de vertugadin en vertugadin ?
    — Les grandes dames, Monseigneur, qui lui feront plus
tard, pour une raison évidente, des avances et des caresses, ne trouvent

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