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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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posée sur l’oreiller, elle s’endormait comme un enfant, et ne se
réveillait que le lendemain, fraîche, rose et reposée, et d’une humeur
charmante, dont il fallait au plus tôt profiter, car elle n’allait pas durer,
les soucis du pouvoir lui donnant dès le matin maintes occasions de
s’escalabrer.
    Les courtisans parlaient peu au lever de la reine, leurs
yeux étant dévotement fixés sur les mains merveilleuses de leur souveraine
bien-aimée, laquelle eût cru penser perdre toute beauté et toute jeunesse, si
les courtisans ne s’étaient pas conduits ainsi.
    La mémoire de la reine était excellente, car elle savait,
non seulement tous les noms de ceux qui se trouvaient là, mais aussi leurs
histoires personnelles, et cela dans les plus petits détails, ayant organisé
toute une équipe de rediseuses qui n’avait rien à voir avec celle de Monsieur
de Guron et de moi-même, car la nôtre était toute politique, alors que la
redisance pour la reine n’avait pour but que de savoir ce qu’il en était des
petits secrets de nos Grands. Il est vrai que les deux redisances se
rejoignaient assez souvent, l’amour et la politique marchant assez souvent de pair,
les dames détenant à la Cour une grande influence.
    Pour moi, j’admirais à la fois sa beauté, son courage et son
habileté. Car puisant dans son émerveillable mémoire des précieux détails, elle
interpellait tel ou tel, en lui donnant l’impression qu’elle savait tout de sa
vie, de ses amis, de ses amours, et de ses opinions. Elle se rendait par là
redoutable aux intrigants, son apparente omniscience leur faisant craindre
qu’elle sût déjà tout de l’intrigue qui se tramait.
    Ce jour-là, je n’arrivai pas parmi les premiers au lever, ce
qui me valut un regard froidureux et une remarque sèche de la part de Sa
Majesté.
    — Duc, dit la reine, vous voilà, vous d’ordinaire si
ponctuel, un des derniers à me venir souhaiter bon réveil. Sans doute vous
êtes-vous attardé en route à cueillir quelques fleurettes.
    Remarque dont le sous-entendu était si évident qu’il fit
sourire à la ronde, et me fit dauber enfantinement, après le lever par nos
pimpésouées de cour : « Duc, me dit plus d’une, qu’allez-vous faire
meshui ? Cueillir encore d’autres fleurettes ? »
    Cette cérémonie du lever durait une vingtaine de minutes,
après quoi la reine remerciait les courtisans de leur visite et les priait de
se retirer. C’était à chaque fois une cohue indisciplinée, tous voulant être
les premiers à franchir l’huis de la chambre. J’allais les suivre plus posément
quand la reine dit d’une voix forte.
    — Nous voulons que demeurent céans le duc d’Orbieu et
le révérend docteur médecin chanoine Fogacer.
    Un frémissement de curiosité courut dans la foule des
courtisans qui eut pour effet de ralentir beaucoup sa sortie. Tant est que le maggiordomo dut donner de la voix pour que l’exode reprit à son rythme accoutumé.
    L’huis se referma à la parfin sur nous. La reine nous fit
signe de prendre place, chacun sur un tabouret, ce qui était à la fois un
honneur, mais aussi le signe que la conversation serait longue.
    — Messieurs, dit-elle d’une voix qui me parut quelque
peu anxieuse, je suis dans de grandes difficultés au sujet du roi, et j’espère
que vous allez pouvoir m’aider à les dénouer. Depuis que le roi a décidé de
choisir seul ses femmes, il n’a pu choisir que des chambrières pour les raisons
que vous savez. Or, deux d’entre elles sont enceintes, l’une semble-t-il d’une
fille, l’autre d’un garçon. La fille ne pose guère de problème. On l’élèvera
dans quelque couvent où elle sera très bien traitée. Mais le garçon, lui, en
pose un. Nous ne pouvons le considérer comme un bâtard royal, puisque sa mère
n’est pas noble. Mais il peut regimber à cette occasion et créer des
difficultés à l’infini. Il est évidemment impossible de demander au roi de se
retirer de l’objet aimé avant terme. Outre qu’il n’acceptera jamais, ce coitus
interruptus est, comme vous le savez, depuis Onan, considéré comme péché
capital par notre Église. D’un autre côté, interrompre volontairement cette
grossesse, une fois qu’elle est là, est un autre péché. En fait, la solution la
meilleure, et qui paraît irréelle, serait que le coitus puisse se faire
normalement sans amener de grossesse. Or, Messieurs, j’ai ouï dire que vous
déteniez un secret qui vous

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