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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Louis m’emmenant
comme truchement au cas où il aurait affaire à des Impériaux. Comme toujours,
Catherine me voyait déjà tomber, une balle dans le cœur, comme le pauvre prince
de Guéméné.
    Arrivé sur l’Oise, le roi la longea de bout en bout, et au
cours de cette minutieuse inspection, il remarqua que deux gués étaient restés
intacts. Il convoqua alors Monsieur de Laffemas et Monsieur de Beaufort,
responsables de cet oubli, et leur chanta pouilles. « Messieurs, dit-il,
oublier un seul gué, c’est les oublier tous, puisque l’ennemi peut
passer. » À moi-même, il confia plus tard qu’à son avis Beaufort et
Laffemas étaient poussins de la même couvée : ils parlaient prou, et
faisaient peu.
    Le roi, en venant lui-même sur le front de l’Oise avec une
armée, des vivres, de la poudre, des mèches, des canons, avait singulièrement
réveillé l’ardeur des soldats. L’armée était jusque-là commandée par le comte
de Soissons, à qui Louis avait joint Gaston. Ce fut un bien mauvais choix,
comme on verra plus loin.
    Le roi ayant établi son camp à Chantilly, j’y trouvai un
gîte fort plaisant chez une dame de Quercy dont le mari, lui aussi, avait été
tué en Italie. Elle avait des yeux noirs chaleureux, une grande bouche, et des
cheveux luxuriants. Elle parlait peu, mais pendant les repas elle m’envisageait
sans mot dire avec des petites mines languissantes qui me donnaient fort à
penser. La première nuit que je passai chez elle, je fermai au verrou mon huis,
mais constatant la nuit suivante que le verrou avait disparu, j’entendis bien
ce que cela voulait dire, et j’eus un moment l’idée de me barricader en
poussant devant l’huis un lourd coffre qui se trouvait là. Mais mon malin génie
me soufflant à l’oreille que ce serait couardise chez un gentilhomme de
repousser de si tendres assauts et au surplus une fort messéante discourtoisie
à l’égard d’une hôtesse si attentive, je renonçai donc à me barricader. Et
comme aucun valet à cette heure tardive n’apparaissait, je voulus bien oublier
que j’étais duc et pair, et décidai sans tant languir de me dévêtir, de me
laver et de me bichonner. Là-dessus, je regagnai ma couche. Mon huis étant
ouvert à tous rien qu’en abaissant le loquet, je me sentis quelque peu comme
place démantelée, et peu fier de l’être, cependant que ma conscience me faisait
d’amers reproches d’attendre ma défaite avec tant d’impatience, alors qu’ayant
pris pour modèles mon pauvre Schomberg et le roi lui-même, je m’étais juré une adamantine
fidélité à mon épouse, et, à vrai dire, jusque-là, malgré les tentations,
j’avais tenu parole. Ces reproches de ma conscience tant me poignaient que je
balançais à me relever pour pousser le coffre devant l’huis. Mais, lecteur, je
n’en fis rien. Preuve que l’âme donne des ordres auxquels le corps n’obéit pas
toujours.
    L’attente fut si longue que je me demandais si la
suppression du verrou ne tenait pas tout simplement à ce qu’il ne remplissait
pas son office. Mais outre que cette pensée me déconfortait prou, je ne tardai
pas à l’écarter, car le premier soir, j’avais remarqué que le verrou, bien
huilé, glissait fort bien dans son anneau. Je chassai donc cette idée comme une
ultime tentative de mon pauvre bon génie, et je soufflai la bougie. Ou plutôt
non, je ne la soufflai pas, je la contemplai qui brûlait à mon chevet et je
tendis aussi l’oreille pour tâcher d’ouïr des pas feutrés dans le couloir qui
menait à ma chambre. Je ne les ouïs qu’à peine, mais fort bien au contraire
l’huis qui, se déclosant violemment, révéla mon hôtesse qui n’avait sur elle
qu’un châle de nuit. Refermant l’huis derrière elle, loin de s’asseoir à mon
chevet, elle se jeta sur moi comme tigresse sur sa proie. Toutefois, elle ne me
griffa pas, et quant à moi, quand j’ouvris le bec, elle me le ferma du sien,
n’ayant que faire de paroles en ce prédicament. S’étendant alors le long de mon
corps, elle me caressa sur toute sa longueur. Lecteur, répondez-moi de grâce à
la franche marguerite : aurais-je pu résister à une peau si douce, à de
tant délicieux contours, à des audaces si surprenantes ? J’ai vergogne
d’avouer qu’oubliant cœur et conscience, de passif je devins actif. Ces
tumultes achevés, je tombai dans un sommeil si profond que mon ange lui-même
n’eût pu me réveiller. Cependant, quand j’ouvris les

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