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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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plus longue et
par conséquent plus onéreuse pour eux, car il faudrait davantage d’avoine pour
leurs chevaux. Or l’avoine, accaparée en grande partie par l’armée, était
montée à des prix exorbitants, ce qui promettait à messieurs les parlementaires
un voyage particulièrement onéreux : circonstance qui les poignait fort,
étant pour la plupart chiche-face et pleure-pain, encore qu’ils ne fussent pas
pauvres, tant de plaideurs leur graissant les pattes pour prononcer en leur
faveur.
    Mais les malheureux n’étaient pas au bout de leur peine. Par
le plus calamiteux hasard, à peine les cochers avaient-ils échangé entre eux
jurons et insultes pour ranger leurs carrosses dans la cour de Versailles
(laquelle était bien assez grande pour loger le double de leur nombre) qu’une
pluie diluvienne se mit à tomber, et nos parlementaires, relevant leurs jupes
sans pudeur, se mirent à courir jusqu’au Palais, et y parvinrent trempés comme
des barbets, ce qui retrancha prou de leur dignité, et ajouta à leur mésaise,
car ils se doutaient bien que le roi allait, cette fois, leur mettre le nez
dans leurs méfaits. La raison en était que, le deux janvier 1637, le roi leur
avait demandé d’enregistrer les édits qui lui eussent permis de se procurer
quinze millions d’or pour la guerre. Nos chattemites le lui avaient promis main
sur cœur, mais quatre mois plus tard, ils n’avaient encore rien fait.
    Le lendemain, au Parlement, Monsieur de Mesmes m’aborda
poliment, me mercia de mes conseils et après maints discours inutiles, me
demanda ce que le roi ferait s’il ne voyait pas les bourses se délier. Je
noulus demeurer bec béant devant une langue si bien pendue, et je pris sur moi
de lui dire qu’à mon sentiment le roi, exaspéré, enverrait en Bastille tous
ceux qui montreraient malice et mauvais vouloir à exécuter ses édits.
    Notre bonne langue sema ce propos menaçant dans le Parlement
et fut-ce cette menace ou le simple bon sens ? Le fait est que le roi, à
la parfin, eut le boursicot qu’il voulait. Et l’or, comme on sait, aidant fort
le fer, nous eûmes tous les canons que le roi avait commandés.
     
    *
    * *
     
    Cependant, l’ennemi, ayant franchi la Somme, occupait ou menaçait
les places fortes qui traditionnellement défendaient le cours du fleuve :
Amiens, Corbie, Péronne et Roye. Le comte de Soissons, rappelé de Dole qu’il
assiégeait, avait trop peu d’hommes pour attaquer de front l’armée
germano-espagnole. Mais il reçut l’ordre de tenir à tout prix la ligne de
l’Oise, pour la raison que l’Oise, si l’ennemi la franchissait, ouvrirait la
porte de Pontoise, ville que le roi considérait comme le verrou de Paris.
    Mais revenons à nos moutons acaprissats du Parlement. Comme
ils le prévoyaient, la réception ne fut pas tendre.
    — Messieurs, dit le roi, je trouve bien étranges les
longueurs que vous apportez à l’exécution de mes édits, desquels je vous ai
parlé tant de fois. Cependant toutes mes affaires se perdent, faute d’argent. Si
vous saviez ce que fait un soldat quand il n’a point d’argent, vous ne vous
comporteriez pas comme vous faites. L’argent que je demande n’est pas pour
jouer, ni pour faire de folles dépenses. Ce n’est pas moi qui parle ici, c’est
mon État. Ceux qui contredisent céans mes volontés me font plus de mal que les
Espagnols.
    Ici, une fois de plus, l’oiseau noir de la trahison voleta
au-dessus des têtes penchées des parlementaires. Il y eut un long silence, puis
le président du Parlement dit après un profond salut :
    — Sire, nous vous promettons que d’ores en avant nous
tiendrons le plus grand compte de vos demandes.
    — Vous promettez ! dit Richelieu d’une voix plus
froide que glace. Les promesses ne suffisent pas, il y faut des effets. Et le
roi veut promptement voir les effets de ses édits.
     
    *
    * *
     
    Pour en revenir au champ de bataille, des mesures
nécessaires, mais cruelles pour la population, furent prises. Entre Somme et
Oise, tous les moulins et tous les fours furent détruits, et détruits aussi les
ponts sur la rivière Oise, tandis que les gués furent recreusés pour les rendre
inutilisables.
    Le roi prit alors deux initiatives qui se révélèrent très
heureuses. Il quitta sa capitale à la tête d’une armée et gagna la ligne de
l’Oise, Richelieu demeurant à Paris pour assurer l’intendance. Au grand
désespoir et défrisement de Catherine, je fus de la partie,

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