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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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yeux à la pique du jour,
mon sot orgueil d’homme se réveilla lui aussi, et je me sentis quelque peu
froissé d’avoir été l’objet d’un « forcement », si petit qu’il fût.
Et alors, fort sottement, je fis à mon hôtesse quelques petites remarques sur
son effronterie. Lecteur, quelle imprudence ce fut là ! La dame me cloua
le bec en un tournemain.
    — Monsieur, dit-elle, le tétin houleux et l’œil jetant
des flammes, vous avez sans doute en tant que gentilhomme de grandes qualités,
et aussi en tant qu’homme, à ce que j’ai pu entendre (ceci, à ce que je
supposais, était la cuillerée de miel qui précédait tout un bol de vinaigre),
mais permettez-moi de vous dire, Monsieur, reprit-elle en haussant le ton, que
dans le cas présent, vous êtes le plus grand chattemite de la Création.
    — Moi, Madame ! dis-je, moi un chattemite !
    — Oui-da ! Traître ! Je ne trouve pas
d’autres mots pour stigmatiser votre odieuse hypocrisie. Hier, Monsieur, à la
nuitée, quand nous soupions au bec à bec, vous n’avez cessé de m’assassiner de
vos regards brûlants, lesquels se portaient tantôt sur mes lèvres, tantôt sur
la rondeur de mon épaule nue, et tantôt sur mes tétins. Et vous avez
présentement le front de me laisser entendre que vous n’avez rien demandé,
alors que vous désiriez tout ! Et enfin, Monsieur, que n’avez-vous poussé
le coffre de votre chambre devant votre huis ! Vous vous seriez alors
remparé contre moi et vous eussiez pu dormir en toute innocence comme moine
escouillé en cellule.
    — Pardonnez-moi, m’amie, mais personne n’escouille les
moines. Où serait alors le mérite de résister à la tentation ?
    — Oui-da, Monsieur ! Vous êtes bien fendu de
gueule à ce qu’il paraît, et vous parlez de miel. Il n’empêche que vous avez
atteint les sommets de l’ingratitude et de la discourtoisie en mettant en avant
ma supposée « effronterie ».
    — Dès lors, Madame, qu’aurais-je dû dire selon votre
vœu ?
    — Mais rien, une gratitude silencieuse eût suffi.
    — Elle est la vôtre, Madame, dis-je, du fond du cœur et
à jamais.
    Sur ces paroles elle se retira, et je tombai dans un grand
pensement de ma Catherine, lequel me fit grand mal, tant âpre fut alors mon
remords d’avoir failli à la fidélité que je m’étais juré de lui garder
toujours.
     
    *
    * *
     
    Nicolas avait déjà sellé nos chevaux et leurs impatients
sabots résonnaient durement sur les pavés de la ville. L’heure était matinale,
car Louis, se levant à la pique du jour, s’attendait à ce que ses serviteurs en
fissent de même.
    —  Sioac , dit-il, dès qu’on eut pu me donner
l’entrant, je désire écrire à notre fidèle alliée la Hollande. Connaissez-vous
le hollandais ?
    — Nenni, Sire, mais je parle l’anglais, langage qui
n’est pas déconnu en Hollande.
    — Vous écrirez donc en anglais cette lettre.
    Lecteur, voici la teneur de cette missive, qui montre que, même
en l’absence de Richelieu, Louis ne manquait pas de finesse politique : il
demandait à notre fidèle alliée, la Hollande, de rassembler une armée, de
franchir la frontière des Pays-Bas, et de faire mine d’aller assiéger
Bruxelles. Louis comptait que la seule annonce de ce siège inquiéterait fort
les Espagnols et les ancrerait dans l’idée de ne pas assiéger Paris comme le
voulait Jean de Werth qui commandait l’armée impériale aux côtés des Espagnols.
    La question en effet se posait derechef, puisque le franchissement
de la Somme mettait l’ennemi à portée de l’Oise, de Pontoise, et par conséquent
de Paris.
    Mais l’arrivée sur les lieux de Louis avec une armée
nombreuse et bien garnie en artillerie, la destruction des gués et des ponts
sur l’Oise, ne faisaient qu’augmenter la mésaise des Espagnols que tourmentait
fort, en outre, l’idée que leur capitale allait être assiégée par les
Hollandais. Là-dessus, Louis, prenant l’offensive, reprit Roye – une des
villes de la Somme – et menaça Péronne. Du coup, les Espagnols, comme dit le
maréchal de Châtillon, « n’y allèrent plus que d’une fesse », et les
Impériaux, dégoûtés de leur apathie, ne songèrent qu’à retourner chez eux.
    Cependant, les Espagnols avaient encore dans les mains
Corbie avec trois mille fantassins et deux mille cinq cents cavaliers, et
avaient ajouté, en outre, avec une grande rapidité, leurs propres
fortifications aux nôtres. Le roi,

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