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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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simple clignement d’œil de
Gaston adressé aux assassins.
    Ceci se passait, ou plutôt eût dû se passer, le dix-neuf
octobre 1636, et cette date aurait pu devenir aussi tristement célèbre que
celle de l’assassinat d’Henri IV.
    Par bonheur, il ne se passa rien. Les regards des assassins
étaient rivés sur le visage de Gaston, attendant le signal convenu. Et le
signal ne fut pas donné. Tout le rebours. Gaston tourna soudain les talons et
courut se réfugier dans la salle du Conseil qu’il venait à peine de quitter.
    À cette occasion, on le traita de lâche. J’opine tout
autrement. Gaston avait montré du courage pendant le siège de La Rochelle, et
de nouveau quand on reprit Corbie, qu’il avait de reste le premier encerclée
sous le feu de l’ennemi. À mon sentiment, la raison de sa volte-face s’explique
par le fait qu’ayant beaucoup d’esprit, il avait peu de jugeote. Il concevait
vite et mal ses entreprises et, à la première difficulté, il abandonnait.
    À mon sentiment, au moment où il allait donner le meurtrier
clignement d’œil à ses spadassins, l’énormité de son acte lui sauta aux yeux.
Il n’en pouvait douter. Si Richelieu mourait sous le couteau de ses spadassins,
la fureur et la vengeance du roi seraient implacables. Or, la garde royale
était à ce moment-là si proche que la capture des meurtriers ne faisait aucun
doute, ils seraient soumis à question, serrés en geôle, exécutés et lui-même,
reconnu pour l’instigateur du crime, serait alors serré dans un château,
fortement gardé, pour le reste de ses jours. En outre, châtiment terrible, il
serait excommunié par le pape pour avoir tué un prêtre. Leur projet abandonné,
cette peur panique fut suivie d’une autre. Gaston et Soissons craignirent que
leur entreprise – alors même qu’elle n’avait pas reçu le moindre
commencement d’exécution – n’ait été découverte par la police du cardinal. Et
de retour à Paris, ils quittèrent la ville dans la nuit du dix-neuf au vingt
novembre, sans en avoir avisé le roi, Gaston se réfugiant dans son château de Blois,
et le comte de Soissons à Sedan, chez le duc de Bouillon. Ce furtif et nocturne
départ, sans autorisation préalable du roi, relevait du crime de lèse-majesté
et augurait fort mal de l’avenir. Sans bien entendre la raison de cette double
fuite, le roi et le cardinal la trouvèrent suspecte, et ils virent en elle une
nouvelle révolte de Gaston, secondé cette fois par un allié redoutable et qui
connaissait la guerre.
     
    *
    * *
     
    Au retour de l’armée, avec quelle joie je retrouvai à Paris
ma chacunière, et dedans Catherine et mon fils. Dès la première frémissante
brassée, Catherine m’annonça à l’oreille qu’elle était de nouveau enceinte, et
qu’elle priait Dieu ardemment pour qu’il la laissât aller jusqu’au terme de sa
grossesse. Car, maintenant que notre lignée était assurée par un fils, elle
désirait ardemment une fille.
    Comme bien l’on pense, après le repas, la sieste et ses
tumultes, le babil des courtines alla bon train.
    — Dieu bon ! dit Catherine, je suis au comble de la
joie que soit finie cette guerre abominable.
    — M’amie, c’est l’invasion qui a pris fin, mais non la
guerre. Elle va se poursuivre un peu partout en France dans les Pyrénées, ne
serait-ce que pour chasser l’Espagnol de Saint-Jean-de-Luz et aussi, en Méditerranée,
pour reprendre les îles de Lérins.
    — Je l’ai ouï dire pour les Pyrénées, mais non pour les
îles. Est-ce bien assuré ?
    — Tout à fait. Richelieu a commandé à ses armateurs de
construire des galères, la galère étant le vaisseau le plus propre pour naviguer
en Méditerranée, pour ce que le vent, y étant très capricieux, peut tomber d’un
moment à l’autre, laissant vos voiles pendre comme des loques et le voilier
s’encalminer.
    — Et la galère ne l’est pas, elle, encalminée ?
dit Catherine.
    — Elle ne saurait l’être, car elle est mue par les
pelles.
    — Les pelles ?
    — C’est ainsi que les galériens appellent les rames.
    — Et je suppose que ces pauvres galériens, on les
traite à bord abominablement mal.
    — On les traite assez mal, mais on les nourrit fort
bien ; sans cela, ils n’auraient pas la force nécessaire à leur épuisante
tâche.
    — Je croyais que seuls les Maures utilisaient les
galères pour piller les côtes de la Méditerranée.
    — Et elles étaient, en effet, si

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