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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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suivirent. Il ne laissait pas de dénoncer leur
malice, leur mauvaise volonté et leur sotte prétention à gouverner l’État. En
revanche, il se rasséréna quand il convoqua au Louvre les corps de métiers de
Paris. Ces braves gens se jetèrent à ses pieds et offrirent leurs biens et
leurs personnes pour le salut du royaume. Louis en fut touché aux larmes, et
donna une forte brassée à ceux qui étaient le plus proches de lui. Le bruit
s’en répandit. Les vieux soldats qui avaient connu Henri IV dirent qu’au
fond – à part le peu de goût qu’il avait pour les garces – Louis était bien comme
son père, familier avec tout un chacun, et à la guerre, comme on l’avait bien
vu en Italie, soucieux de la santé et du pain du soldat.
    Cette grande bonne volonté du peuple parisien ne fut pas un feu
de paille. Promptement obéissants aux ordres du roi, les ateliers de maçons, de
charpentiers, de couvreurs, et aussi les artisans travaillant en chambre,
fournirent chacun – avec son enthousiaste assentiment – un commis dont on
tâcha de faire un soldat. D’aucuns de ces ateliers plus aisés ou plus généreux
offrirent au surplus la pique ou le mousquet [13] à leur commis pour soulager le Trésor du royaume. Ces armes, je le dis en
passant, étaient en vente publique en Paris, mais à un prix qui avait été fixé
par un édit pour éviter la spéculation.
    On demanda aussi aux Parisiens pauvres, ou désoccupés, de
remettre en état les remparts de la capitale : travail cyclopéen dirigé
par des architectes renommés.
    Ils eurent la tâche d’instruire et de diriger ces pauvres
gens qui firent merveille, travaillant de l’aube à la nuit. On les fournit
largement en pain et vin, et de plus on leur donna – largesse inespérée – trois
sols par jour. Ils nettoyèrent les fossés, relevèrent les murs, et renforcèrent
les quinze portes de la capitale aussitôt gardées jour et nuit par des soldats.
Bien qu’ils fussent choisis parmi les plus sûrs, des peines terribles furent
prévues pour les « coquins et couards » qui seraient assez fols pour
ouvrir l’huis à l’ennemi.
    En même temps qu’il fortifiait Paris, le roi se souvint de
la cruelle famine des huguenots dans La Rochelle assiégée, et il fit entrer
assez de grains pour nourrir la population de Paris pendant au moins un an. En
fait, il y en eut tant et tant que ne trouvant plus de place dans les greniers
on les mit, sous bonne garde et bonne clef, dans les églises, les couvents, les
grands hôtels parisiens, les maisons du roi et même le Louvre.
    Les fabricants d’armes furent seuls à être exemptés de
fournir un commis aux armées. Toutefois la permission de recruter leur fut
donnée à condition que les commis eussent dépassé l’âge de se battre. Le roi
passa aux armuriers des commandes considérables surtout en canons, lesquels
firent merveille quand on décida la reconquête des places prises par les
Espagnols. Au cours de ces travaux de fortification, on captura un rediseur
espagnol qui rôdait autour de nos remparts. On le soumit à la question, il
demeura muet comme carpe. Plus humain et plus habile, Richelieu ordonna que
l’Espagnol, lavé, pansé et nourri, lui soit amené. Je fus présent à l’entretien
en qualité de truchement, et j’eus en fait quelque difficulté à entendre ce que
disait le rediseur, mes connaissances en espagnol étant très limitées.
    Il fut pétri et pénétré de respect devant le cardinal, et de
son plein gré, quoique difficilement, fléchit le genou devant lui et lui baisa
les pieds.
    Richelieu lui dit d’emblée qu’il allait le relâcher car, à y
réfléchir plus outre, il n’avait fait aucun mal, sauf regarder les remparts,
mais sans toutefois parler aux ouvriers, ce qui eût été un crime capital. En
conséquence, on l’allait libérer avec un passeport lui permettant de traverser
nos lignes.
    Le rediseur se jeta derechef aux genoux du cardinal et
derechef lui baisa les pieds. Je l’aidai à se relever et à se rasseoir, me
doutant que les coups qu’il avait reçus de ses aimables geôliers lui avaient
moulu bras et jambes.
    Avec douceur, le cardinal lui demanda de prime s’il était
marié, s’il avait des enfants, si ses parents étaient encore en vie, et quel
était son métier. Ces questions firent renaître le rediseur à la vie. L’instant
d’avant il s’apprêtait à jeter à travers un nœud coulant un dernier regard vers
le ciel et, grâce à cet

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