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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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reine a-t-elle eu vergogne de trahir son mari au
profit de nos ennemis ?
    Cela fit rentrer les griffes de Catherine, mais sans lui
clore le bec, car elle me fit soudainement un reproche qui n’avait aucun
rapport avec ce qui précédait.
    — La vérité, dit-elle, c’est que vous aimez le roi et
le cardinal plus que moi.
    À quoi je ris à gueule bec et dis :
    — Je les aime, m’amie, mais sûrement pas de la même
façon.
    Elle sourit à cette saillie, mais sans consentir à me
laisser le privilège du dernier mot.
    — Tout du même, reprit-elle, je n’aime pas voir cette
fille chez moi.
    Elle oubliait que ce « chez moi » était aussi le
mien.
    — M’amie, si vous préférez, je la recevrai d’ores en
avant chez Monsieur de Guron.
    — Oh, je n’aime pas votre Monsieur de Guron ! Il
est bavard comme pie, goinfre comme porc et court le cotillon comme fol.
    — C’est aussi mon ami immutable, dis-je avec quelque
reproche.
    — Vous ferez donc ce que vous voudrez, dit-elle en me
tournant le dos.
    Ce qui, traduit en langage clair, voulait dire :
« Vous ferez donc ce que je veux. »
    Et j’y souscris en effet. Mais en mon for, je trouvais
Catherine bien irréfléchie, car si le diable m’avait voulu jeter dans les bras
d’Angélique, il l’eût fait bien plus facilement chez Monsieur de Guron que chez
moi.
     
    *
    * *
     
    Voici, lecteur, sans que j’en retranche rien, ce que me
conta Angélique sur la visite impromptue de Louis chez la reine sur les huit heures
du soir, une pluie furieuse battant les pavés de Paris.
    La reine était déjà en ses robes du soir, ses blonds cheveux
dénoués retombant sur ses épaules. Elle se tenait debout devant un beau feu
flambant et tendait vers lui, l’un après l’autre, ses pieds nus. Quand elle vit
entrer dans son salon Louis trempé comme une soupe, elle n’en crut pas ses
yeux.
    — Mais Sire ! s’écria-t-elle, mi-riante,
mi-inquiète, comment vous voilà fait ! Appelez vite vos laquais pour vous
déshabiller !
    — Hélas, Madame, dit le roi, mes laquais sont à
Saint-Maur, avec mes vêtures, mon lit, mes vivres et mes officiers de bouche,
tant est que sans votre aide je ne pourrai, ce soir, ni me sécher, ni me
changer, ni manger, ni dormir. Je quiers votre merci, belle dame !
    — Et vous l’aurez, beau Sire ! dit la reine,
égayée de ce que Louis employa pour une fois le langage badin de la Cour.
    La reine appela alors Angélique qui commença à débarrasser
le roi de sa vêture mouillée.
    — Mais vous tremblez, Sire, dit la reine en riant.
    — Oui, Madame, mais c’est de froid.
    — Cela ne vous fait donc rien qu’une belle fille vous
dénude ?
    — Madame, la seule personne qui me ferait de l’effet en
un tel prédicament, c’est vous.
    À quoi la reine rit à gueule bec, émue et titillée. Et quand
on en vint au séchage, elle prit la serviette des mains d’Angélique et essuya
elle-même son royal époux de la tête aux pieds.
    — Mais vais-je rester nu ? dit le roi, quand, le
feu aidant, il fut sec.
    — Que non pas ! dit la reine. J’ai tout prévu.
    Et de ses mains elle prit un peignoir, et non sans que Louis
sourcillât quelque peu, l’aida à l’enfiler, puis se reculant, elle rit comme
nonnette au couvent. Il rit aussi de sa propre gaieté, tant elle y mettait de
gentillesse. Là-dessus, on apporta une table, des assiettes, des gobelets et
des morceaux de bœuf à nourrir chacun quatre personnes, la raison en étant que
les officiers de bouche escomptaient que roi et reine ne mangeraient pas tout
et qu’il y aurait donc de beaux restes pour eux.
    Nos Majestés, devisant et riant comme écoliers hors école,
mangèrent comme goinfres et burent à lut. Et quand, enfin, ils se levèrent,
Anne vacillant quelque peu sur ses jambes, le roi la prit par le bras et
dit :
    — Madame, plaise à vous de me laisser vous conduire
jusqu’à votre lit.
    Il le fit et il fit mieux. Il la déshabilla.
    — Sire, dit alors la reine, de grâce retirez votre
vêture féminine. Elle n’est pas de mise céans.
    À quoi ils rirent derechef, et la reine dit alors de cette
voix rapide et précipiteuse qu’elle prenait pour donner des ordres :
    — Angélique, tire les courtines, prends-en des
chandeliers pour éclairer ton chemin, et ferme bien l’huis sur nous.
    « Ce que je fis, dit Angélique, et l’huis reclos je les
entendais rire encore. Ma fé, me disais-je, du diantre si à leurs rires ne vont
pas

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