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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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bien savoir lesquels !
    — De grâce, m’amie, il s’agit de la reine de
France ! Je continue. « La reine est une bonne princesse, pleine de
mérites, elle n’a pas fait de fautes, sinon, parce qu’étant femme, elle s’est
laissé conduire par affection et par les sentiments qu’elle a pour sa
maison. »
    — Étant femme, elle aurait tout aussi bien pu se laisser
conduire par le sentiment qu’elle a pour son mari et sa nouvelle patrie.
    — M’amie, la vérité n’a pas sa place dans un discours
politique.
    — Et celui-ci l’était ?
    — Au premier chef ! Il avait pour but de
convaincre amis et ennemis du dehors, que roi et reine étaient réconciliés et
que tout allait pour le mieux en France pour la continuation de la dynastie.
C’était bien là le hic. Louis, qui eût voulu en ses enfances être appelé Louis
le Juste, était, en effet, un homme rigoureux pour lui-même comme pour les
autres. Il n’oubliait pas facilement les écornes qu’on lui avait faites, et
bien qu’il eût dit et même écrit qu’il pardonnait à son épouse, en fait, il lui
gardait une fort mauvaise dent, et maugré les objurgations discrètes du
cardinal, il n’avait pu se décider encore à aller rejoindre la reine en sa
couche. En même temps, il s’en voulait de cette répugnance, car elle l’amenait
à trahir son devoir dynastique.
    Le hasard et la tempête vinrent à son secours. Le cinq
décembre 1637, le roi alla voir la demoiselle que vous savez à travers la
grille de son couvent. Il s’attarda, échangea avec elle de tendres regards, car
il n’était pas grand parleur, et la « créature », comme il disait,
était quasi muette. Elle n’ignorait pas qu’elle allait payer cette longue et
silencieuse entrevue par la froideur glaciale de la mère supérieure et les
perfidies murmurées par les nonnes.
    Le roi s’attarda à cette visite, tant il avait besoin
d’affection féminine, mais à peine fut-elle finie qu’une tempête violente
éclata et comme Louis était à cheval et que les chemins ruisselaient d’eau, ils
rendaient dangereuse une bonne trotte jusqu’à Saint-Maur qui était le but qu’il
se proposait. Louis se trouva fort embarrassé, ses officiers de bouche, son lit
et tout le mobilier de sa chambre étant déjà partis pour Saint-Maur [15] , tant est qu’il ne savait plus où
manger ni dormir. Triste prédicament pour un roi de France. « Sire, dit le
capitaine aux gardes, il n’y a qu’une solution : Retournez au Louvre et
demandez à la reine de vous héberger. » Le roi, surpris de cette
proposition, fit d’abord quelques difficultés, les habitudes de la reine étant
au contraire des siennes : elle soupait tard et se couchait encore plus
tard.
    — Mais la reine, Sire, dit le capitaine, sera heureuse
de se conformer à vos habitudes…
    Ce qui se passa ensuite entre le roi et la reine, je ne le
sus que plus tard par une chambrière de la reine qui se prénommait Angélique et
qui avait été de prime à notre service. Mais Catherine, la soupçonnant d’être
plus proche des diables que des anges, la renvoya, et la pauvrette entra alors
par mon entremise au service du cardinal, lequel la donna ensuite à la reine
non sans arrière-pensée, à ce que je crois, la redisance étant la base même de la
politique cardinalice. Quant à moi, chaque fois que j’allais rendre mes
hommages à la reine, si je trouvais Angélique sur mon chemin, je lui tapotais
la joue en lui disant quelques mots en oc, l’occitan étant sa langue
maternelle. Elle aimait fort ces civilités qui venaient d’un duc et pair et la
haussaient dans l’estime de ses compagnes. Et elle me remerciait en me venant
voir chez moi dès qu’elle pouvait, et elle me tenait au courant de ce qu’elle
avait vu et ouï. Je répétais le tout incontinent au cardinal, mais ne vous y
trompez pas : Angélique n’était pas, à proprement parler, une rediseuse
comme la Zocoli. Elle agissait de son plein gré sans être payée d’un sol. En
fait, elle agissait par gratitude. À Catherine, ces visites en mon hôtel d’Angélique
ne pouvaient que déplaire, même quand je lui en expliquai le motif. Elle
s’apazima alors, mais toutes griffes n’étaient pas rentrées, car lors du babil
des courtines qui suivit elle revint à la charge et dit :
    — N’avez-vous pas vergogne d’espionner cette pauvre
reine par l’intermédiaire de cette fille ?
    À quoi, haussant le ton, je lui dis :
    — La

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